Le camp d’entraînement du Canadien s’ouvre dans un climat particulier. Officiellement, la direction parle de progression, de patience, d’étapes à respecter. Mais sous la surface, une vérité s’impose : la hiérarchie pourrait voler en éclats.
Deux noms sortent du lot. Deux joueurs que peu voyaient dans ce rôle il y a quelques mois, mais qui arrivent transformés. Joshua Roy et David Reinbacher.
L’un a souffert dans le gym pour sauver sa carrière. L’autre a survécu à une blessure qui menaçait déjà son avenir. Aujourd’hui, ils veulent forcer la main de l'organisation.
Joshua Roy savait que le temps pressait. Son contrat tire à sa fin, et la prochaine saison pourrait être sa dernière chance d’imposer son nom dans l’alignement montréalais. Pas question de la gaspiller. L’attaquant beauceron s’est donc livré à l’été le plus intense de sa vie, sous la gouverne de Jonathan Chainberg, entraîneur réputé pour avoir travaillé avec Georges St-Pierre et Kris Letang. Un choix risqué, presque désespéré.
Mais le résultat est clair : Roy n’est plus le même joueur.
Dès les premières semaines, la transformation est apparue. Quinze livres fondues. Une musculature redessinée. Une explosivité retrouvée. Roy n’a pas seulement raffermi son corps, il a aussi changé son mental. « Il m’a poussé chaque jour, puis ça a payé. Je n’ai jamais été aussi fort », a confié l’attaquant à TVA Sports. Les mots trahissent une réalité : l’urgence l’habite.
Pourtant, au départ, Chainberg n’était même pas certain de l’accepter. Trop de rumeurs circulaient. On disait Roy indiscipliné, parfois nonchalant, incapable de supporter l’intensité du plus haut niveau. L’entraîneur voulait éviter de perdre son temps.
Mais après quelques séances, les doutes ont disparu. Roy enfilait les bottes de travail, acceptait la douleur, affrontait ses faiblesses. Là où d’autres auraient abandonné, lui se relevait.
Et c’est exactement ce qu’il devra prouver au camp. Sa marge de manœuvre est mince. L’organisation compte déjà sur une panoplie d’attaquants prometteurs. Mais Roy arrive avec l’énergie d’un homme qui sait que c’est maintenant ou jamais. « Mon année a commencé cet été. Je veux arriver prêt et avoir une très bonne saison. C’est une opportunité énorme pour moi », a-t-il insisté.
Ses statistiques dans la ligue américaine l’an dernier étaient encourageantes, mais insuffisantes pour assurer sa place. Ce qui pourrait faire la différence cette fois, c’est l’image qu’il projette. Le joueur hésitant des derniers mois n’existe plus. À sa place : un compétiteur transformé, affamé, prêt à forcer la main de Martin St-Louis.
Si Roy incarne le travail volontaire et le sacrifice, David Reinbacher, lui, symbolise la patience forcée. Le cinquième choix au total du repêchage 2023 devait être le pilier défensif de l’avenir. Mais son entrée en Amérique du Nord a tourné au cauchemar. En match préparatoire contre Toronto, une violente collision a abîmé son genou. Sa saison a basculé avant même de commencer.
Le scénario a été cruel. En seulement 11 matchs en Amérique du Nord, l’Autrichien n’a jamais pu prendre ses marques. Quand il est revenu en février, il semblait à l’aise par moments, mais c’était trompeur. Son genou n’était pas rétabli. Il jouait diminué, manquait des matchs, laissait planer un doute lourd sur son développement. Et l’ombre d’un autre nom revenait sans cesse : Matvei Michkov. Chaque sortie hésitante de Reinbacher ranimait le débat. Pourquoi Hughes avait-il préféré un défenseur droitier à l’attaquant russe tant convoité?
L’été a finalement apporté une réponse. Jonathan Bernier, du Journal de Montréal, a confirmé que le genou de Reinbacher est maintenant complètement guéri. Le principal intéressé a lui-même dissipé les doutes à la Vitrine des recrues : « Je suis maintenant à 100 %. Mon genou va très bien. Cet été, je n’ai jamais ressenti le moindre problème. J’ai ajusté mon plan d’entraînement pour renforcer mon genou et prévenir les blessures. Je veux vivre une saison complète sans incident. »
Ce témoignage change tout. Pour la première fois depuis son repêchage, Reinbacher peut réellement amorcer une saison sans handicap. Sa confiance est intacte, et ses chiffres à Laval, même limités, rappellent son potentiel : cinq points en dix matchs de saison régulière, puis six en séries. Rien d’éblouissant, mais assez pour nourrir l’espoir.
Surtout, il apporte ce que le CH recherche désespérément : un défenseur droitier capable de jouer de grosses minutes. Si l’organisation se montre prudente, il est probable qu’il commence la saison à Laval. Mais cette fois, un rappel ne dépendra pas des circonstances. Il dépendra de ses performances. Et Reinbacher arrive prêt à saisir l’occasion.
Son histoire est celle d’un pari remis en question, d’un jeune homme qui a dû vivre avec le poids des comparaisons et qui peut enfin s’en libérer. Oui, Michkov brille ailleurs. Mais à Montréal, c’est Reinbacher qu’on attend.
Et le moment de vérité approche.
Alors voilà où en est le CH à la veille du camp. D’un côté, Joshua Roy, l’attaquant qui a tout sacrifié pour donner une dernière chance à son rêve. De l’autre, David Reinbacher, le défenseur longtemps blessé qui peut enfin montrer de quoi il est capable. Deux trajectoires radicalement différentes. Mais une même ambition : s’imposer.
Le Canadien pensait amorcer un camp de progression tranquille. Mais Roy et Reinbacher viennent brouiller les cartes. Le premier veut arracher sa place immédiatement. Le second veut prouver qu’il est bien l’élu que l’organisation avait promis.
Et si la véritable bataille interne du CH ne se jouait pas seulement entre les vétérans et les recrues, mais entre ces deux revenants déterminés à redéfinir la hiérarchie?
Dans un vestiaire en quête d’identité, leurs performances pourraient bien être le tremblement de terre que personne n’avait prévu.