Bombe médiatique à Chicago: Frank Nazar en veut au destin

Bombe médiatique à Chicago: Frank Nazar en veut au destin

Par Nicolas Pérusse le 2025-09-04

Il y a des moments où une simple question devient un coup de poignard. Frank Nazar, jeune étoile montante des Blackhawks, en a fait les frais.

En direct, on lui a lancé ce que plusieurs murmurent depuis des mois : « Même si les Sharks et les Hawks sont tous les deux au bas du classement, on dirait que San Jose a une meilleure ambiance que Chicago. » Nazar, pris de court, a tenté de sauver la face.

Mais son malaise a dit le reste.

Le jeune attaquant de 21 ans, repêché 13e en 2022, a bien essayé de répondre avec le sourire. Il a cité des noms. « Vlassic, il est incroyable pour ça, il est sournoisement drôle. Slaggert, c’est le gars le plus heureux du monde. Moore, c’est l’Energizer Bunny, toujours en train de bouger et de sourire. »

Mais à travers ces exemples, on sentait l’effort. Nazar voulait prouver que le vestiaire des Hawks était léger, amusant. Au fond, il montrait surtout que cette ambiance doit être cherchée à la loupe.

Car la vérité, c’est qu’à Chicago, rien n’est « le fun ».

Sur la glace, Nazar a pourtant connu une saison encourageante en 2024-25 : 12 buts, 14 passes en 53 matchs, des éclairs de vitesse et de créativité qui rappellent pourquoi il était si attendu. Et que dire de son parcours au Championnat du monde, où il a mené Team USA à l’or avec 6 buts et 6 passes en 10 matchs, devenant le héros d’une conquête historique, la première médaille d’or américaine depuis 1933.

Son ascension est réelle, et Chicago le sait. Début septembre, il a signé une extension de sept ans, 6,59 millions $ par saison à partir de 2026-27. Un contrat qui fait de lui un pilier du futur des Hawks.

Mais quel futur, justement?

Le malaise de Nazar n’est pas individuel. Il reflète l’air lourd qui pèse sur toute l’organisation. Le vestiaire est fracturé. Des divisions sont connues, des frictions publiques comme celle entre Taylor Hall et l’entraîneur Luke Richardson l’an dernier ont exposé le manque de contrôle.

La reconstruction promise ressemble à une longue attente sans joie. Même Connor Bedard, la supernova du repêchage 2023, paraît isolé au milieu d’un désert offensif.

Et derrière tout ça, il y a un homme : Kyle Davidson.

Depuis qu’il a pris les rênes en 2022, le DG a tout rasé. DeBrincat, Dach, Hagel, Strome… partis. En échange, une pile de choix. Et ces choix? Des promesses incertaines. Kevin Korchinski peine à s’imposer. Oliver Moore n’a pas le profil d’un centre de premier plan. Sacha Boisvert est encore loin de la LNH.

Nazar, lui, progresse, mais reste seul véritable espoir offensif derrière Bedard. Et le plus grand affront : avoir ignoré Ivan Demidov au repêchage 2024 pour sélectionner Artyom Levshunov. Pendant que Demidov empile les points et enflamme la KHL, Levshunov tâtonne dans la Ligue américaine. Une bévue qui restera dans les annales.

Alors quand Nazar se fait demander si, malgré tout, les Sharks n’ont pas un meilleur vibe, il se retrouve prisonnier du contexte. Comment défendre l’indéfendable?

À San Jose, malgré les défaites, les joueurs rient, se serrent les coudes, affichent une légèreté désarmante. À Chicago, on parle de qui est « sournoisement drôle », de qui « bouge tout le temps ». C’est révélateur : l’effort même de trouver ces exemples trahit le manque de joie véritable.

Et c’est là que le destin entre en jeu.

Car Nazar aurait pu être ailleurs. Il aurait pu être à Montréal.

Si le Canadien n’avait pas échangé le 13e choix de 2022 (reçu de l’échange Romanov) aux Islanders, Frank Nazar serait tombé directement dans l'alignement du CH.

Imaginez le scénario. Nazar, deuxième centre naturel du club.

À ses côtés : Ivan Demidov, ce prodige que Chicago a laissé filer. Devant lui, Juraj Slafkovsky et Cole Suzuki, en pleine chimie avec Patrick Laine, l’acquisition surprise de l’été. Et derrière, un vestiaire qui respire la complicité, encadré par Kent Hughes et Jeff Gorton, des dirigeants qui savent où ils s’en vont.

À Montréal, Nazar serait une pièce centrale d’un puzzle excitant. À Chicago, il est une pièce isolée d’un casse-tête qui n’a pas de forme.

C’est ça, « en vouloir au destin ». Ce n’est pas que Nazar déteste Chicago. Il a répété qu’il aime la ville, qu’il veut y rester, que l’organisation croit en lui. Mais au fond de lui, il sait qu’il aurait pu écrire une tout autre histoire. Un conte de fées montréalais où il aurait été l’élu pour combler le poste de deuxième centre, protégé par un environnement positif, entouré de jeunes qui grandissent ensemble.

Le contraste est brutal. À Chicago, on nage dans l’incertitude. Les vétérans se lassent de perdre. Les jeunes doivent tout porter, sans soutien, dans un vestiaire où l’on cherche désespérément des sourires. Davidson, prudent jusqu’à l’excès, refuse les coups d’éclat, et son plan paraît interminable. Les fans s’impatientent. L’amphithéâtre se vide. Les cotes d’écoute s’effondrent. Tout respire la grisaille.

À Montréal, c’est l’inverse. L’énergie déborde. Les jeunes se développent à vue d’œil. Le plan est clair, la progression palpable. Le vestiaire, lui, est vivant.

Alors oui, Nazar en veut au destin. Il en veut à cette pièce manquante du puzzle, à ce choix échangé en 2022 qui aurait pu l’envoyer à Montréal. Il en veut à la logique tordue d’un DG qui a refusé Demidov. Il en veut à la fatalité d’être coincé dans une reconstruction chaotique quand il aurait pu grandir dans une renaissance inspirante.

Son extension de sept ans est peut-être une promesse d’avenir, mais elle ressemble aussi à une chaîne dorée.

Nazar sera payé, reconnu, utilisé. Mais sera-t-il heureux? Aura-t-il du plaisir à jouer?

Son entrevue en dit long...

Même lui peine à convaincre que Chicago est un endroit où l’on veut jouer.