La Rive-Sud est morte. Vive Montréal.
Depuis que Martin St-Louis est devenu entraîneur-chef du Canadien, une transformation radicale s’est opérée.
Une transformation invisible à l’œil nu, mais puissante dans sa symbolique : le CH n’appartient plus à Brossard, au Dix30 ou à Candiac. Il appartient à la ville. À Montréal.
C’est un virage géographique. Culturel. Identitaire.
Et c’est Martin St-Louis qui l’a imposé. Fini les matinées de match dans le trafic du Pont Champlain. Fini les allers-retours dans les bouchons du pont Victoria. Fini les le pont Jacques-Cartier embouteillé.
“It’s all Montreal, baby.”
Pendant plus d’une décennie, la Rive-Sud a été le cœur logistique du Canadien. Depuis l’ouverture du complexe d’entraînement de Brossard en 2008, les joueurs y vivaient presque tous.
Carey Price, Shea Weber, Jake Allen, Paul Byron, Josh Gorges qui hébergeait un jeune Brendan Gallagher… tous avaient élu domicile à Brossard ou à Candiac.
C’était pratique. Proche de la glace. Près du Dix30. Tranquille. Familial. Prévisible.
Mais c’était aussi déconnecté de l’âme de l’équipe. Le CH jouait à Montréal… mais vivait en périphérie.
Jusqu’à ce que Martin St-Louis débarque et démolisse tout ça.
Dès son arrivée à la barre de l’équipe, St-Louis a pris une décision choc : transférer les "morning skates" des jours de match de Brossard… au Centre Bell.
Fini les échauffements matinaux sur la Rive-Sud. On patine là où on joue. Point.
Et le message était clair : si tu veux faire partie de la meute, tu vis là où elle chasse. À Montréal.
« C’est tellement mieux. Tu te prépares pour le match, dans l’aréna même. Ça donne un rythme, une tension. Pas juste une routine dans un complexe vide à Brossard. » nous dit un membre de l’organisation du CH
Soyons honnêtes : le trafic entre la Rive-Sud et le Centre Bell est un cauchemar.
Pont Victoria? Fermé dans un sens ou l'autre.
Champlain? Saturé de camions.
Jacques-Cartier? Nerveusement imprévisible, surtout pour entrer sur le pont. (une entrée digne des années 70 où ça bloque assurément tellement il n'y pas assez de voies).
Le matin d’un match, passer 40 minutes dans sa voiture à regarder Google Maps ou Waùe virer au rouge, c’est un supplice. Et c’est exactement ce que David Savard ne voulait plus vivre avant sa retraite.
« Dave détestait les trajets depuis la Rive-Sud », a avoué Jake Evans.
Et quand Savard a quitté, plus aucun joueur ne vivait sur la Rive-Sud. Zéro.
Une culture de meute… au cœur de la ville.
Aujourd’hui, les joueurs habitent :
À Westmount (Jake Evans, avec sa femme et ses jumeaux).
À Griffintown (Dach, Caufield et compagnie).
Dans le Vieux-Montréal ou même Pointe-Saint-Charles (Alexandre Carrier sur le canal Lachine).
À quelques coins de rue du Centre Bell (Dobson, récemment arrivé de Long Island).
Ce n’est pas une coïncidence. C’est une volonté d'être proches les uns des autres.
Le message de St-Louis est clair comme de l'eau de roche : vous êtes un groupe, vous vivez ensemble, vous jouez ensemble, vous vous sacrifiez ensemble.
Et vivre à 30 minutes de là, isolé dans une banlieue calme? C’est hors culture.
Jake Evans et Brendan Gallagher habitent à quelques rues l’un de l’autre. Tous les matins, ils font du covoiturage. Une micro-meute dans le trafic.
« C’est drôle, tu vois tout de suite si l’autre a mal dormi », a lancé Gallagher.
« Quand t’es passager, t’as 20 minutes pour fermer les yeux et te reposer. »
« Avec les jumeaux, Jake est dans une phase plus dure. Moi, je dors mieux avec une seule fille. »
Et cette proximité crée des liens entre les femmes, les familles, les enfants. Ce n’est pas juste du hockey. C’est une vie commune.
« On parle toujours d’organisation familiale. C’est vrai. Les femmes des anciens accueillent les nouvelles vite. C’est une vraie dynamique. » affirme Evans.
Les nouveaux? Ils s’installent directement en ville. Fini le vieux réflexe d’aller à Brossard voir les pancartes “À vendre” sur le boulevard Rome ou à Canadiac pour les plus riches.
Noah Dobson, arrivé de Long Island, ne cache pas son émerveillement :
« Tu te réveilles, tu vois la ville, t’as le Centre Bell à deux coins de rue. C’est un nouveau monde. C’est excitant. »
Ivan Demidov, lui, reste collé au centre-ville. Mais il vit l’expérience montréalaise à fond, sans détour, sans voiture.
Même Lane Hutson, pourtant un profil plus discret, a opté pour la ville. Il comprend l’importance d’être près des gars. De vivre dans la meute.
Ce que Martin St-Louis a fait, ce n’est pas qu’une optimisation logistique ou géographiquel
C’est une déclaration identitaire.
Il a dit à ses joueurs : “Vous portez le CH? Alors vous vivez là où bat son coeur.”
Finis les condos dans des quartiers copiés-collés de banlieue américaine. Finis les raccourcis. Finie l’époque où le Canadien s’entraînait à Brossard, jouait à Montréal, vivait à Candiac… et ne ressemblait à rien.
Aujourd’hui, le CH est une meute. Une meute urbaine. Une meute montréalaise.
Et c’est exactement ce que St-Louis voulait.
L'ancien capitaine, devenu coach, a fait éclater le vieux mythe tranquille de la Rive-Sudpour replanter ses crocs dans la ville qui fait battre le hockey au Québec.
On a des frissons dans le dos...