Simon Boisvert n’a pas la langue dans sa poche, et quand « Le Snake » s’enflamme pour un joueur, ce n’est jamais banal.
Cette fois, dans son balado avec Mathias Brunet, il a lancé un nom qui pourrait bien relancer tout le débat sur le deuxième centre du Canadien : Conor Geekie, un jeune géant de 6 pi 4, 212 livres, 11e choix total du repêchage 2022, aujourd’hui coincé dans le système du Lightning de Tampa Bay.
« Le gars a un talent offensif, mais il est pris dans un club de vétérans », a résumé Boisvert.
« C’est pas qu’il joue mal, c’est qu’on ne lui donne pas la chance. Il joue huit, neuf minutes, et après on le renvoie dans la Ligue américaine. »
Geekie, c’est le parfait exemple du jeune joueur coincé entre deux mondes. À 21 ans, il est déjà trop fort pour la Ligue américaine, mais il n’a pas encore l’espace nécessaire pour s’imposer dans une équipe qui vise encore la Coupe Stanley chaque saison.
Depuis qu’il a été acquis par Tampa Bay dans la transaction envoyant Mikhail Sergachev à l’Utah, il navigue entre le Syracuse Crunch et un quatrième trio par Jon Cooper.
En six matchs cette saison, il a récolté une maigre passe, avec un temps d’utilisation oscillant entre huit et dix minutes par soir.
Son match le plus complet, un 13 minutes 49 secondes face à Columbus, a été suivi… d’une rétrogradation dans la Ligue américaine. En cinq matchs avec Syracuse, il a déjà cumulé 3 buts et 7 points, preuve éclatante qu’il n’a plus rien à prouver à ce niveau.
Selon Scott Wheeler (The Athletic), Geekie demeure le 78e meilleur espoir de la LNH, malgré une stagnation évidente due à un manque d’opportunités.
Wheeler le décrit comme « un centre capable de jouer aussi à l’aile, doté d’une excellente vision, d’un tir redoutable, et d’une combinaison rare de taille et de mains. Il contrôle la rondelle, il protège bien la possession, et il est intelligent dans la lecture du jeu. »
Il a prouvé qu'il était capable de marquer des buts dans la LNH:
Et... qu'il est trop fort pour la ligue américaine...
Bref, tout ce que le Canadien cherche depuis deux ans.
À Montréal, le dossier du deuxième centre reste ouvert. Kirby Dach est rendu un ailier de 4e trio, Oliver Kapanen n'est pas la solution, et l’organisation n’a toujours pas trouvé ce centre capable de soutenir Nick Suzuki à long terme.
C’est là que Conor Geekie devient fascinant.
Simon Boisvert y voit une occasion à saisir :
« Tu offres un choix de première ronde protégé et un espoir comme Owen Beck. Tu ne vides pas la banque, tu échanges un joueur qui, dans le fond, va plafonner comme quatrième centre, contre un vrai pari offensif de 21 ans qui peut exploser à Montréal. »
Le parallèle avec Kirby Dach et Alex Newhook est évident. Depuis l’arrivée de Kent Hughes, le CH multiplie les paris sur de jeunes joueurs sous-utilisés ailleurs : Dach, perdu à Chicago, fut aussi un pari perdu à Montréal.
Oui, Frank Nazar va nous hanter pendant longtemps, mais qui n'essaie rien n'a rien et ce fut l'une des seules erreurs de Kent Hughes.
Alex Newhook, écarté du top 6 au Colorado, fut un pari gagnant après avoir retrouvé confiance avec Martin St-Louis. Geekie pourrait devenir le troisième élément de cette stratégie : miser sur un talent brut, coincé dans une organisation où la fenêtre de Coupe Stanley étouffe les jeunes.
Geekie coche toutes les cases. Gabarit élite (6’4, 212 lb), tir lourd, lecture du jeu avancée, excellent long de la bande. Il est décrit comme un joueur « patient avec la rondelle, capable d’attirer les défenseurs avant de distribuer », une qualité que peu de jeunes possèdent à cet âge.
Certes, il a des défauts : un coup de patin qui peut encore s'améliorer et un jeu défensif encore naïf en zone neutre et dans son territoire.
Mais il progresse. Et dans un environnement comme Montréal, où Martin St-Louis valorise la créativité et la confiance, Geekie pourrait enfin respirer.
Imaginez une 2e ligne Newhook-Geekie-Demidov ou Bolduc-Geekie-Demidov.
Deux lignes jeunes, offensive, capable de renverser le momentum d’un match. Ce serait un changement radical comparé aux combinaisons prudentes qu’on a vues récemment avec Oliver Kapanen au centre de Demidov et Newhook et Bolduc sur un 4e trio avec Veleno et Dach.
Le dossier devient encore plus crédible quand on réalise que Kent Hughes et Julien BriseBois se connaissent bien. Les deux hommes ont déjà échangé sur plusieurs dossiers au fil des années.
BriseBois est conscient que son Lightning devra sacrifier du futur pour prolonger la vie de son noyau actuel : Kucherov, Point, Hedman, Vasilevskiy.
Tampa Bay a l’un des bassins d’espoirs les plus faibles de la LNH. Et dans ce contexte, échanger Geekie contre un centre défensif (Beck) et un choix protégé en 2026 ferait beaucoup de sens. Surtout que ce choix, dans le scénario actuel, appartiendrait à une équipe de Montréal prétendante aux séries : il serait donc tardif.
Du point de vue de Tampa, c’est une décision logique : on libère un joueur bloqué, on renforce la profondeur à court terme, et on récupère un actif pour la suite.
Du point de vue du Canadien, c’est un coup de poker mesuré : un joueur de 21 ans, 11e au total, avec un plafond de deuxième centre offensif, contre un espoir de quatrième trio et un choix protégé.
Les partisans de Montréal continuent de rêver à Sidney Crosby, et la rumeur, entretenue par les médias, reste séduisante. Mais soyons lucides : c’est une transaction de prestige, pas de structure.
Crosby, c’est 38 ans, un contrat lourd, et une fenêtre d’un ou deux ans. Geekie, c’est 21 ans, encore en développement, et le genre de pari qui s’inscrit parfaitement dans le plan de Hughes : bâtir autour de Suzuki, Caufield, Hutson, Demidov, Slafkovsky, Dobson, Bolduc et compagnie.
Crosby, c’est un rêve de journaliste. Geekie, c’est une vraie solution de dirigeant.
Montréal n’a pas besoin d’un vétéran pour vendre des billets. Le Centre Bell est plein. Ce qu’il faut, c’est une continuité générationnelle, une transition naturelle entre la reconstruction et la compétition. Geekie incarne cette passerelle.
Le moment est propice. Tampa Bay vient de signer cinq victoires consécutives, consolidant son statut de prétendant, mais sans jamais ouvrir de place dans son alignement pour ses jeunes. Le club roule sur son noyau, et tout le monde le sait : pour BriseBois, chaque minute de jeu doit être optimisée autour de Hedman, Kucherov et Point.
Dans cette logique, Geekie n’a aucune chance de se développer.
Il ne s’agit pas d’un manque de talent, mais d’une impasse structurelle. Tampa n’a plus la patience ni l’espace pour un joueur en apprentissage. Pour Montréal, c’est une aubaine : un joueur de haut niveau frustré, motivé, prêt à se relancer.
Et surtout, un joueur qui pourrait grandir avec le noyau actuel, pas à côté de lui.
En 2026, Montréal aura un premier choix tardif, probablement entre le 20e et le 25e rang si l’équipe poursuit sur sa lancée. L’offrir, protégé top 10, dans une transaction structurée autour de Beck pour acquérir Geekie, serait un geste tellement logique.
Et à ceux qui doutent de la valeur du jeune centre, il suffit de revoir ses séquences à Syracuse : un tir du poignet élite, une capacité à garder la rondelle dans le trafic, et une vision de jeu qui rappelle un certain Ryan Getzlaf à ses débuts.
Oui, Crosby fait rêver. Oui, Kadri ou Horvat sont des noms séduisants. Mais le vrai coup de génie serait peut-être à Tampa Bay.
Kent Hughes s'est trompé avec Dach. Parions qu'il frapperait un coup de circuit avec Conor Geekie.
