Il fallait s’y attendre.
À Long Island, les drames ne s’arrêtent jamais.
Depuis que Patrick Roy a posé ses valises derrière le banc, les Islanders sont devenus un téléroman permanent, une machine à fabriquer du chaos.
Et maintenant, c’est Mathieu Darche qui prend le relais en ajoutant sa propre couche de controverse.
La cible? Rien de moins que son capitaine, Anders Lee, pilier du vestiaire depuis plus d’une décennie.
Lee, c’est l’âme de cette équipe.
Le gars qui, même après des saisons décevantes, s’accrochait encore à l’espoir de voir ce groupe faire quelque chose de grand.
L’homme de 35 ans qui, malgré ses blessures passées, a rebondi en 2024-25 avec 29 buts et 54 points, sa meilleure récolte depuis des années.
Normalement, tu récompenses un joueur comme ça, tu lui tends une prolongation, tu montres que tu crois encore en lui. Mais non.
Darche, fraîchement installé dans son bureau de DG, a décidé de jouer au dur.
Pas de prolongation, pas de sécurité, pas de câlin symbolique.
Juste une phrase froide, livrée à Pierre LeBrun : « Commençons la saison et voyons où ça nous mène. »
Et c’est là que la fracture se crée.
Parce qu’un capitaine, ça ne s’ignore pas.
Tu peux passer sous silence un joueur de soutien, tu peux temporiser avec un gardien auxiliaire, mais tu ne laisses pas ton capitaine flotter dans l’incertitude.
Pas quand il est respecté dans la chambre.
Pas quand il a porté ton logo dans les pires moments.
Et surtout pas quand ton entraîneur, Patrick Roy, est déjà connu pour semer la zizanie à coups de déclarations fracassantes.
Ce n’est pas une question de chiffres, même si tout finit toujours par tourner autour du cap salarial.
Lee sort de sept ans à 7 M$ par saison, un contrat qui n’a pas été un vol, mais pas non plus une aubaine.
Les projections d’AFP Analytics parlent d’une prolongation autour de 6,2 M$ par saison pour deux ans.
Rien de fou. Rien qui plombe une équipe.
Mais Darche, lui, préfère attendre. Et en attendant, il envoie un message limpide : Anders Lee n’est pas une priorité.
Imagine l’effet dans le vestiaire.
Tu as Kyle Palmieri ou d’autres vétérans qui doivent maintenant réfléchir à leur avenir, après le départ de Nelson.
Tu as Ilya Sorokin, qui doit composer avec une organisation qui promet beaucoup mais livre peu.
Tu as des jeunes comme Matthew Maggio ou William Dufour qui observent et qui prennent des notes.
Et le constat, c’est que ton DG n’a aucun scrupule à laisser ton capitaine, ton modèle, ton vétéran, patauger dans le doute.
C’est un coup de tonnerre, oui, mais c’est aussi une fissure sournoise dans le ciment de ton vestiaire.
Darche se défend en disant qu’il est nouveau, qu’il veut apprendre à connaître son équipe, qu’il ne veut pas se précipiter.
Mais soyons francs : il sait très bien ce qu’il fait. C’est une stratégie calculée.
En gardant Lee en suspens, il garde une carte dans sa manche.
Si les Islanders connaissent un mauvais départ, Anders Lee devient un pion parfait à bouger à la date limite des transactions.
Un vétéran fiable, gros gabarit, capable encore de marquer 25-30 buts.
Ça a de la valeur sur le marché, même à 35 ans.
Mais en attendant, quel message envoie-t-on aux fans? À l’organisation?
Qu’on ne croit pas vraiment à un dernier baroud d’honneur avec ce groupe.
Et le timing est cruel.
Parce que dans le même souffle, on te dit que Vegas doit se débrouiller sans Pietrangelo, que Montréal libère le contrat de Carey Price pour viser un centre #2, que Minnesota risque de claquer 16 M$ par année sur Kaprizov.
Partout ailleurs, on voit des DG qui prennent des décisions fortes, qui assument leur vision.
Et à Long Island? On a Darche qui choisit l’attente et la prudence. Sur papier, ça paraît logique. Dans la réalité, c’est une fracture émotionnelle.
Les partisans, eux, n’ont pas oublié que les Islanders sont passés à deux doigts de la finale en 2021.
Ils n’ont pas oublié non plus que depuis, c’est descente après descente.
Et ce qui tenait encore le groupe, c’était des leaders comme Lee, qui parlaient moins que d’autres mais montraient l’exemple sur la glace.
Tu peux le critiquer pour sa mobilité, tu peux dire qu’il ralentit, mais tu ne peux pas nier son importance symbolique.
Et Darche, en le laissant sans filet de sécurité, vient d’arracher une pièce maîtresse de l’édifice fragile qu’est ce vestiaire.
Dans ce contexte, le duo Roy-Darche devient fascinant à observer.
Roy, avec son intensité volcanique, qui ne tolère aucune baisse d’effort, et Darche, avec son pragmatisme froid, qui ne donne aucune garantie à personne.
C’est un mélange qui peut exploser à tout moment.
Imagine le scénario : Roy explose après une série de défaites, Lee, le capitaine laissé dans le néant, ne prend pas la parole dans la chambre parce qu’il n’a aucune idée de son avenir, et Darche garde le silence parce que « ce n’est pas urgent ».
Voilà comment naissent les fractures qui finissent par engloutir une saison.
À Montréal, on regarde ça avec un mélange de fascination et de soulagement.
Parce que Geoff Molson, Kent Hughes et Jeff Gorton, eux, savent que tu ne joues pas avec le statut de ton capitaine.
Suzuki a un contrat long terme, une sécurité totale, et chaque geste du Canadien vise à renforcer sa position comme leader incontesté.
À Long Island, on fait l’inverse : on fragilise ton capitaine, et on espère que la tempête va passer. C’est la recette parfaite pour un désastre.
Anders Lee n’est pas un saint, ce n’est pas un joueur de premier plan comme il l’était à 28 ans.
Mais c’est encore un buteur respectable, un capitaine respecté, un visage pour une organisation qui cherche désespérément à garder son identité.
Si Darche décide de l’utiliser comme monnaie d’échange, il peut peut-être gratter un choix de deuxième ronde, un jeune prometteur, une option pour l’avenir.
Mais il va aussi casser quelque chose de plus précieux : la confiance de son vestiaire.
Et dans une organisation déjà éclatée par les excès de Roy, où Duclair a été humilié publiquement, où Dobson a fini par être échangé à Montréal, où Drouin débarque comme une énigme, c’est peut-être la goutte de trop.
Les Islanders sont censés se relever. Mais à force d’accumuler des fractures, tu finis par t’écrouler.
Alors oui, c’est un coup de tonnerre.
Oui, Darche a provoqué une fracture.
Et peut-être que ça ne se verra pas demain matin, peut-être que Lee marquera encore des buts cette saison. Mais dans la psychologie d’un vestiaire, chaque décision compte.
Et celle-là, à long terme, pourrait bien être la plus lourde de conséquences. Parce que quand tu fragilises ton capitaine, c’est toute ton équipe que tu fragilises.
Et ça, peu importe le plan de Darche, c’est une bombe à retardement.
Misère...