Le retour de David Reinbacher dans l’uniforme du Rocket de Laval était attendu. Anticipé même, avec un certain espoir. Après tout, c’est l’un des plus gros paris du Canadien au repêchage 2023, un choix top-5 qu’on a préféré à Matvei Michkov, Dmitri Simashev (défenseur régulier en Utah), Ryan Leonard, Zach Benson et compagnie.
Mais vendredi soir, contre les Americans de Rochester, les premiers coups de patin du jeune défenseur autrichien n’ont rien fait pour calmer les doutes.
Au contraire. Reinbacher a terminé la rencontre avec une fiche de -2, son langage corporel semblait hésutant, et même devant les caméras, il donnait à nouveau cette impression de jeune homme dépassé par l’ampleur de ce qui lui arrive.
Pendant ce temps, les rumeurs d’échange, déjà nombreuses en coulisses, reprennent de plus belle. Et pour la première fois, une phrase revient en boucle dans les discussions de dirigeants adverses : David Reinbacher n’a peut-être pas ce qu’il faut pour Montréal.
Blessé à la main lors du camp d’entraînement, David Reinbacher n’avait toujours pas disputé de match officiel cette saison avant cette rencontre de vendredi soir au Centre Bell de Laval.
Le Rocket accueillait Rochester, l’une des formations les plus en feu de la Ligue américaine, invaincue à ses cinq derniers matchs. C’était un test difficile, mais logique, pour un joueur qui devait rapidement retrouver son rythme.
Aligné aux côtés d’Adam Engström sur la première paire défensive, Reinbacher a connu une première période correcte : quelques sorties de zone bien exécutées, une mise en échec spectaculaire sur Jake Leschyshyn, et un bon positionnement global.
Mais les lacunes n’ont pas tardé à réapparaître : punition inutile, bâton échappé, relances hésitantes. Dès qu’il était mis sous pression, ses décisions étaient synonyme de panique.
Et en troisième période, il était sur la glace pour les deux buts des Americans, dont celui de la victoire inscrit en fin de match.
Encore une fois, un différentiel de -2. Encore une fois, la même justification : il est rouillé. Mais combien de temps va-t-on tolérer cette excuse?
Après la première période, Reinbacher a accepté de parler brièvement avec Stéphane Leroux de RDS. Une entrevue banale sur le fond, mais qui en a révélé beaucoup sur la forme.
L’attitude de Reinbacher devant la caméra a réveillé de vieux souvenirs chez plusieurs recruteurs : celui d’un joueur mal à l’aise, incapable d’exprimer de la confiance ou de la clarté dans son propos.
« C’est un peu rouillé, mais une autre période et je pense que ça va aller », a-t-il dit, avec une voix basse, des yeux fuyants. Lorsqu’on lui a demandé si c’était plus facile cette année, maintenant qu’il connaît mieux la ligue, il a répondu : « Oui, un peu, mais je dois être meilleur pour mes coéquipiers. »
Le ton n’y était pas. Pas plus que l’assurance d’un choix de premier tour, encore moins d’un cinquième au total. En 2023, au Combine, des recruteurs avaient souligné à voix basse à quel point Reinbacher semblait manquer de présence dans ses échanges avec les équipes.
« On n’a jamais vu un gars aussi peu confiant au micro », avait lancé un éclaireur d’une équipe de l’Est. Ce sentiment, malheureusement, se confirme sur la glace et dans ses apparitions médiatiques.
Ce retour timide alimente donc les spéculations. Depuis plusieurs jours, le nom de Reinbacher circule dans les discussions entre le Canadien de Montréal et les Blues de Saint-Louis.
L’intérêt de Kent Hughes pour Jordan Kyrou est bien réel, alors que Robert Thomas demeure un rêve inaccessible. Dans les négociations, les Blues auraient demandé un jeune défenseur droitier ou gaucher et Reinbacher ou Kaiden Guhle était au cœur de la proposition.
Le CH aurait hésité, puis ralenti les discussions. Mais à la lumière de sa performance contre Rochester, certains se demandent si Montréal ne ferait pas mieux de bouger pendant que sa valeur est encore décente.
Ce qui est fascinant, c’est que plusieurs partisans du Canadien se sont exprimés sur les réseaux sociaux dans les heures suivant la défaite.
Et une phrase revenait souvent : J’aurais fait Kyrou pour Guhle. Oui, pour Guhle. Ce qui signifie que Reinbacher, dans l’esprit de bien des amateurs, n’est même plus au sommet de la hiérarchie des jeunes arrières montréalais.
Son statut de joueur protégé s’effondre rapidement, et c’est peut-être la meilleure fenêtre possible pour Kent Hughes d’encaisser ce qu’il peut encore en retirer, sans oublier que Renaud Lavoie continue d'envoyer le défenseur autrichien à Pittsburgh... pour Sidney Crosby...
Le problème, c’est que la réputation de Reinbacher n’est pas qu’un enjeu local. Espérons qu'il devienne le défenseur tant attendu à Montréal ou que sa valeur ne baisse pas trop aux yeux des DG de la LNH. Car... on ne veut pas le perdre pour rien.
Le perdre dans la ligue américaine... ou sur le marché des transactions...
Ce n’est plus simplement un jeune défenseur en développement. C’est un actif qui ne progresse pas, qui accumule les blessures, qui ne respire pas la confiance, et qui semble fragile sur le plan mental.
Revenons au match. Le Rocket a été limité à un seul but, celui de Jared Davidson, qui continue de produire avec cinq points à ses trois derniers matchs. Mais l’équipe n’a pas été mauvaise. Elle a dominé par moments, a obtenu 34 tirs au but, et a vu Kaapo Kähkönen livrer une solide performance devant le filet avec 34 arrêts sur 36 lancers.
Malheureusement, il est tombé sur un Devon Levi en pleine maîtrise de ses moyens, lui qui se retrouve au cœur de plusieurs rumeurs de transaction, et dont la performance vendredi n’a fait qu’augmenter sa valeur.
Pendant que Kahkonen et Jacob Fowler se partagent bien le travail à Laval, le problème ne vient pas des gardiens. Il vient de la défensive, et de l’incapacité à protéger l’avance en troisième période. Reinbacher, encore une fois, était sur la glace pour les deux buts adverses, sans nécessairement commettre d’erreur directe, mais en donnant l’impression d’un joueur passif, en retard, ou figé.
Et ça, c’est peut-être encore pire qu’un jeune qui prend des risques et fait des erreurs de jeunesse. Il semble bloqué dans un état de paralysie mentale.
Le match de samedi après-midi contre Rochester permettra peut-être à Reinbacher de se racheter. Mais il est de plus en plus clair que sa marge d’erreur à Montréal s’amenuise.
Le contexte n’est plus celui d’une reconstruction molle. Le Canadien a des ambitions, veut gagner des matchs, veut entourer Lane Hutson d'un vrai défenseur droitier défensif. Et dans ce plan, Reinbacher n’a pas le droit à un parcours lent, hésitant et sans éclat.
S’il ne montre pas rapidement qu’il peut s’imposer comme un pilier défensif, calme, confiant, physique et engagé, il deviendra une monnaie d’échange comme tant d’autres.
Sa réputation sur le marché est fragile. Son langage corporel, ses performances et ses entrevues jouent contre lui. Le temps file. Et le Canadien ne peut plus se permettre d’attendre indéfiniment que son cinquième choix au total devienne un joueur de la LNH prêt à affronter Connor McDavid ou Auston Matthews.
Pour l’instant, il peine à contenir Trevor Kuntar.
