Douche froide pour Patrik Laine: Cogeco ouvre la porte à une transaction

Douche froide pour Patrik Laine: Cogeco ouvre la porte à une transaction

Par David Garel le 2025-08-21

La différence donne froid dans le dos.  

D’un côté, Patrik Laine, flamboyant, charismatique, qui ne cesse de répéter aux micros de TVA Sports et de ses partenaires médiatiques qu’il veut rester à Montréal, qu’il se sent chez lui, qu’il adore la ville, ses coéquipiers et l’ambiance folle du hockey dans la métropole.

De l’autre, une douche glaciale signée Cogeco, relayée par Jean-François Chaumont au micro des Amateurs de sports sur les ondes du 98,5 FM : « Le Canadien n’est pas lié à Patrik Laine à la vie, à la mort. »

Cette phrase, brutale, a eu l’effet d’un électrochoc. Elle révèle ce que beaucoup soupçonnaient : le CH, malgré son respect pour le talent du Finlandais, n’entend pas se laisser enchaîner par un seul joueur.

L’organisation a un plan clair, piloté par Kent Hughes et Jeff Gorton, et elle n’y dérogera pas pour flatter l’ego ou la popularité d’une vedette.

Chaumont, en analysant les résultats du sondage de The Athletic qui plaçait le Canadien au 5e rang des organisations les mieux cotées de la LNH, a bien résumé l’état d’esprit du club : confiance envers le tandem Hughes-Gorton, rigueur dans la construction, refus de céder à la tentation des coups d’éclat.

« C’est un reflet du travail méthodique de Kent Hughes et Jeff Gorton, dit-il. Ils ont un plan et ils ne vont pas en dévier, même s’ils ont atteint les séries l’an dernier. »

Autrement dit, Laine, malgré ses promesses d’amour éternel envers Montréal, n’aura pas droit à un traitement de faveur.

Il sera évalué comme les autres. Et si ses demandes financières ou ses performances ne cadrent pas avec la stratégie à long terme, il se fera montrer la porte de sortie.

Via transaction à la date limite? Via le marché des agents libres 2026?

En parallèle, TVA Sports donne un large micro au Finlandais. Devant Anthony Martineau, Laine a répété qu’il voulait rester à Montréal « pour la suite de sa carrière ».

Dans une entrevue avec lui et son épouse Jordan, il a insisté : Montréal est « la meilleure ville de hockey au monde », un « privilège », un « honneur » de porter le chandail du CH.

Il parle de ses coéquipiers comme d’une famille, vante la qualité de l’organisation, et ajoute même que sa passion pour la mode et son engagement pour la santé mentale passent aussi par Montréal.

Le défilé From Us to You, organisé avec sa femme au festival M.A.D., en est l’illustration parfaite.

Tout, dans ce discours, sent la fidélité. Tout, dans ce "storytelling", est conçu pour séduire la population montréalaise et cimenter l’image d’un Laine enraciné dans la ville.

Mais c’est là que Patrik Laine frappe un mur : pendant que TVA et le couple Laine multiplient les efforts pour montrer leur attachement à Montréal, Cogeco rappelle froidement que rien n’est garanti. Le Canadien n’a pas promis de contrat à vie. Le Canadien ne se laissera pas dicter son plan.

Et si l’on compare les deux récits, l’impression est brutale : Laine tente de convaincre l’opinion publique, alors que Hughes et Gorton veulent convaincre leurs partisans qu’ils gardent la main sur leur projet.

La vérité est donc là : Patrik Laine peut dire, répéter, chanter qu’il veut finir sa carrière à Montréal, mais rien ne dit que l’organisation le suivra.

Le CH ne se lie « à la vie, à la mort » à personne. Ni à Laine, ni à un autre. Et cette réalité, martelée par Cogeco, agit comme un rappel sévère : à Montréal, c’est le plan de l’état-major qui prévaut, pas les campagnes de charme.

Et c’est sans doute là que réside le paradoxe le plus cruel de toute cette histoire : plus Patrik Laine s’attache à Montréal, plus il risque d’être blessé.

Parce que pour une fois dans sa carrière, il s’était donné le droit d’aimer. D’aimer une ville. D’aimer une organisation. D’aimer une nouvelle version de lui-même. Et c’est précisément cette sincérité-là que la direction du Canadien observe avec des lunettes comptables.

Car Laine en a vu d’autres. À Winnipeg, il a appris à se méfier. Quand il était encore adolescent, à peine arrivé dans la LNH, ses coéquipiers riaient de ses habitudes de "gamer" (jeux vidéo), certains vétérans jugeaient qu’il n’avait pas la “bonne mentalité”. Et c’est dans ce contexte que les fameux écrans de télévision sont devenus un symbole de son isolement.

À l’époque, pour se sentir un peu comme à la maison lors des voyages, Laine avait pris l’habitude de louer lui-même des télévisions plus grandes que celles fournies par les hôtels.

Une dépense ridicule dans l’univers de la LNH, mais qui fut présentée, par des fuites en provenance de l’organisation des Jets, comme un caprice de diva.

L’information a été coulée aux médias dans le but à peine voilé de faire passer Laine pour un joueur excentrique, difficile à gérer, et déconnecté du reste de l’équipe.

Le problème, ce n’est pas qu’il jouait aux sur un écran 55 pouces plutôt que sur celui fourni par l’hôtel. Le problème, c’est que les Jets ont décidé que ce détail intime devait devenir public.

Et dans le fragile équilibre de santé mentale dans lequel Laine se trouvait déjà, cette humiliation déguisée a marqué un point de non-retour.

Puis il y a eu Columbus. On connaît la suite : un entraîneur, Pascal Vincent (maintenant à Laval), qui lui faisait réchauffer le banc à qui mieux mieux, au point que Laine a affirmé qu'il ne s'était jamais aussi senti humilié.

Sa période avec les Blue Jackets a été marquée par l’isolement, les blessures, le fait que ses coéquipiers le maltraitaient et surtout, un mal-être profond.

Lorsqu’il a demandé de l’aide pour sa santé mentale en janvier 2024, les Blue Jackets ont annulé un match intra-équipe afin de permettre à tout le groupe de digérer la nouvelle.

Le capitaine Zach Werenski avait alors pris la parole de manière touchante :

« Ça remet beaucoup de choses en perspective. La santé mentale, c’est quelque chose qu’on doit prendre au sérieux. On est une famille dans ce vestiaire, et ce qu’on veut, c’est que nos coéquipiers soient heureux. »

Ces mots ont été salués à travers la LNH, mais Laine a ensuite affirmé qu'il se faisait "intimider" par Werenski et ses coéquipiers.

Laine avait dû franchir un mur invisible pour être pris au sérieux dans son désarroi. Quand il a osé dire la vérité, il a été la cible de critiques virulentes à Columbus et ses coéquipiers n'ont jamais accepté être envoyé sous l'autobus.

Werenski l'a alors traité de menteur et d'homme qui se place faussement en victime.

Même Martin St-Louis, en plein cœur de l’hiver dernier, n’a pas toujours été tendre avec lui. Les rappels subtils à son « implication », les décisions de le "bencher", les remises en question déguisées… Laine a senti que la confiance n’était pas automatique. Il a compris qu’à Montréal aussi, il allait devoir tout rebâtir.

Mais au moins, cette fois, on ne s’est pas moqué de ses télévisions. Cette fois, personne n’a trahi sa vie privée. Et c’est peut-être pour ça que, malgré tout, il veut croire à un futur ici. Parce que pour la première fois depuis longtemps, on ne l’a pas cassé, on l’a laissé respirer.

Mais l’histoire est cruelle. Parce qu’il le sait, au fond. Il le sent. Il lit entre les lignes. Il entend Chaumont à la radio. Il comprend les silences de Kent Hughes. Il voit que même une ville qu’il aime peut lui tourner le dos.

Alors il s’accroche à ce qu’il peut. Il s’investit dans la communauté. Il parle aux jeunes fans. Il donne de son temps. Il construit, brique par brique, l’image d’un homme transformé. Et il espère, peut-être naïvement, que cette fois, ce sera différent.

Mais à Montréal, même les belles histoires ont une date d’expiration. Et Patrik Laine, malgré tous ses efforts, pourrait bien découvrir que l’amour, aussi fort soit-il, ne pèse jamais aussi lourd qu’un plan à long terme.