Entrevue de Jean-Charles Lajoie avec Martin St-Louis: le Québec sous tension

Entrevue de Jean-Charles Lajoie avec Martin St-Louis: le Québec sous tension

Par David Garel le 2025-07-20

L’automne dernier, on l’avait crucifié sur la place publique.

Jean-Charles Lajoie avait annoncé en primeur sa démission en ondes, alors qu'il avait juré que selon ses sources, Martin St-Louis quitterait son emploi de son propre gré durant l'hiver.

C’est sur les ondes de QUB Radio que Jean-Charles Lajoie a lancé sa bombe médiatique.

« À ce rythme, il ne serait pas surprenant de voir Martin St-Louis annoncer son départ d’un commun accord lors d’une matinée glaciale de janvier ou février », a-t-il déclaré, en pleine émission.

Il ne parlait pas d’un congédiement, mais bien d’une démission arrangée, camouflée en décision commune. Une « sortie honorable », selon ses termes, qui éviterait au Canadien de perdre la face et à St-Louis d’affronter une humiliation publique.

L’équipe perdait, les jeunes plafonnaient, et la rumeur persistante voulait que Martin n’ait plus envie de continuer. Certains y ont vu un abandon à venir. Un coach au bout du rouleau. Un homme qui quittait le navire avant qu’il ne coule.

Mais voilà. Moins d’un an plus tard, Martin St-Louis est de retour… au sommet. Il n’est plus le petit Québécois négligé, le gars qu’on sous-estime, le coach sans expérience à qui on pardonne tout.

Non. Il est maintenant le favori pour remporter le Jack Adams, selon The Athletic. Et ce changement de statut est peut-être la pire chose qui pouvait lui arriver.

Il faut comprendre ce que Martin St-Louis a vécu. Les critiques? Il en a entendu toute sa vie. Trop petit. Trop vieux. Trop inexpérimenté.

Et à chaque fois, il a répondu avec ses jambes, avec son cœur, avec sa tête. Il l’a souvent dit :

« Ce que les autres pensent de moi, ça me donne de l’essence. »

Mais cette fois, l’essence était noire. Toxique.

Il est revenu changé. Moins émotif, plus stratégique. Il a modifié son approche avec les médias, avec les joueurs, avec son propre personnel. Il a arrêté de vouloir tout expliquer. Il a commencé à gagner. Et lentement mais sûrement, le narratif s’est inversé.

Le CH a terminé la saison avec panache. Les jeunes ont progressé. La structure défensive s’est stabilisée. Et Martin, discrètement, est redevenu celui que le Québec aime : un battant, un homme de cœur, un exemple.

Mais tout ce retour au 7e ciel repose sur une bombe à retardement. Et cette bombe porte un nom : Jean-Charles Lajoie.

Chaque début de saison, depuis l’arrivée de St-Louis derrière le banc, on assiste au même rituel : une grande entrevue entre l’entraîneur du Canadien et l’animateur vedette de TVA Sports. Une rencontre intense, chargée d’émotion, souvent pleine de sous-entendus.

Mais cette année, la tension sera différente. Car Jean-Charles Lajoie a déjà vendu la mèche. L’an dernier, il a laissé entendre que St-Louis n’en avait plus pour longtemps. Que l’usure faisait son œuvre. Que sa passion s’effondrait.

Comment Martin va-t-il réagir? Va-t-il confronter? Jouer la carte de la diplomatie? Ignorer les insinuations?

Une chose est certaine : l’entrevue de cette année pourrait bien être la plus inconfortable de toutes... et la plus spectaculaire de la décennie.

Pour la première fois de sa carrière, Martin St-Louis est favori. Pas l’outsider, pas le combattant. Le favori.

Et cela change tout.

On l’a toujours aimé dans le rôle du négligé. L’ancien joueur ignoré au repêchage. Le coach sorti du bantam. Le père qui sacrifie sa vie de famille pour inspirer une génération.

Mais maintenant que les projecteurs sont braqués sur lui, que les experts le voient comme un des meilleurs entraîneurs de la LNH, la pression devient insupportable.

Car dans ce marché, le héros d’hier est la cible de demain.

Et si Zachary Bolduc ne produisait pas? Et si Noha Dobson "chokait"? Et si Ivan Demidov décevait?

Commençons par Zachary Bolduc. Formé par Patrick Roy. Soutenu par Simon Gagné. Vu comme le nouveau pilier québécois de l’équipe. Mais trop de projecteurs tuent la lumière.

Patrick Roy, dans une entrevue soigneusement calibrée pour mettre de la pression sur son rival numéro un, a déclaré qu’il avait rendu Bolduc plus physique, plus complet, plus responsable.

Simon Gagné a rajouté de l'huile sur le feu :

« S’il est bien utilisé, il peut marquer 30 buts. Il doit être sur l’un des deux premiers trios, et sur la première vague de l’avantage numérique. »

Et là, tout repose sur les décisions de Martin St-Louis.

Bolduc sera-t-il utilisé adéquatement? Aura-t-il le bon partenaire de trio? Les bons minutes?

Parce que si Bolduc ne produit pas, tout le blâme retombera sur… Martin.

Même chose pour Noah Dobson, acquis à gros prix et désormais détenteur du plus lucratif contrat jamais accordé à un défenseur du CH. Il doit performer immédiatement, sinon c'est Kent Hughes qui sera envoyé sous l'autobus.

Ivan Demidov, de son côté, est déjà une star à Montréal. Mais avec le feu vient la brûlure : une séquence de 5 ou 6 matchs sans point, et la pression deviendra insoutenable.

Et que dire de Lane Hutson, qui n’est plus une surprise, mais qui doit confirmer. S’il régresse, on blâmera Martin. Ce n’est plus un projet de développement : c’est une équipe en marche vers les séries. Et tout retard sera considéré comme une faute professionnelle.

On a oublié.

Les séquences de défaites, les décisions douteuses sur les unités spéciales, les critiques injustes sur Arber Xhekaj. 

St-Louis a survécu. Il a surmonté. Il a absorbé les coups. Mais il sait mieux que quiconque : le crédit est temporaire. L’exigence, elle, est permanente.

Et maintenant qu’il est en haut de l’échelle, la moindre chute pourrait être fatale.

Et s’il n’était pas fait pour dominer?

La grande question, c’est celle-ci : Martin St-Louis est-il un bon entraîneur de reconstruction… ou un vrai entraîneur de championnat?

Il a su inspirer, éduquer, motiver. Il a su rallier une équipe perdue. Mais peut-il gérer les attentes? Les égos? Les médias? La pression du sommet?

En tant que joueur, il avait cette rage de vaincre. Ce feu sacré. Mais en tant qu’entraîneur, il devra démontrer autre chose : du sang-froid. De la stratégie. Un instinct de tueur.

Martin St-Louis n’a jamais été aussi aimé. Jamais aussi respecté. Jamais aussi attendu.

Il a remonté la pente, seul, dans le silence, sans s’excuser. Il a absorbé les gifles médiatiques, les doutes, les trahisons. Il a encaissé… et il a répondu.

En attendant, tous les regards sont braqués sur une seule date : celle de la traditionnelle entrevue entre Martin St-Louis et Jean-Charles Lajoie sur les ondes de TVA Sports.

Chaque année, c’est l’ouverture officielle du bal médiatique. Mais cette fois, ce ne sera pas un entretien de courtoisie. Ce sera une séance de règlements de comptes non-dits, d’allusions, de regards lourds de sens. 

Tout le Québec va tendre l’oreille. L’entrevue sera scrutée, disséquée, rediffusée en boucle. Elle dira tout de l’état d’esprit de Martin.

Est-il rancunier? Est-il blessé? Est-il au-dessus de ça? Ou prépare-t-il déjà sa revanche silencieuse? Dans tous les cas, ce moment sera sous tension.

Soit Martin St-Louis entame sa marche vers le Jack Adams. Soit il amorce une descente sans filet de sécurité.

Maintenant que la lumière est sur lui, que le trône est à portée de main, il doit démontrer qu’il peut gouverner sans trembler.

La saison 2025-2026 ne sera pas un marathon.

Ce sera un procès.

Et le verdict sera sans appel.