Fiasco médiatique : Samuel Montembeault plongé dans la tourmente

Fiasco médiatique : Samuel Montembeault plongé dans la tourmente

Par André Soueidan le 2025-08-27

À Montréal, la position de gardien a toujours été une poudrière.

On dirait que peu importe l’époque, ça fait couler plus d’encre que tous les autres postes combinés.

Et voilà que Samuel Montembeault, lui qui rêve de représenter le Canada aux prochains Jeux olympiques, a été propulsé au cœur d’un fiasco médiatique qui continue de faire parler, même trois semaines après les premières flammes.

Tout est parti d’un entrefilet signé Steve Simmons, chroniqueur du Toronto Sun.

Sans trop de nuances, Simmons a osé écrire que si Montembeault avait reçu une invitation au camp d’orientation de Team Canada à Calgary, c’était en grande partie parce qu’il était… Canadien français.

Une ligne à peine glissée dans une chronique, mais une ligne qui a fait l’effet d’une bombe.

Parce que dans une ville comme Montréal, où l’identité est aussi lourde que les attentes, on n’avale pas ça facilement.

Montembeault, fidèle à lui-même, n’a pas cherché la confrontation.

Lors de sa rencontre avec les médias au camp, au début du mois d’août, il a préféré éviter l’escalade.

« Ce serait tellement un bel honneur. Les Olympiques, c’est tellement gros », a-t-il confié, visiblement déterminé à se concentrer sur le rêve plutôt que sur les insultes.

Mais derrière son calme apparent, il est clair qu’il voulait lancer un message au Canada anglais : ne me jugez pas sur ma langue, jugez-moi sur mes arrêts.

Le timing n’a rien d’anodin. Montembeault sort d’une saison où il a porté le CH sur ses épaules plus souvent qu’à son tour, où il a prouvé qu’il pouvait garder une équipe compétitive malgré les trous béants devant lui.

Et voilà qu’au moment où il s’amène à Calgary comme l’un des trois gardiens invités avec Jordan Binnington et Adin Hill, on ose insinuer qu’il doit son billet plus à son passeport linguistique qu’à son efficacité devant le filet.

Évidemment, ça ne passe pas.

Les partisans québécois ont réagi avec colère, les chroniqueurs ont dénoncé un manque de respect, et même plusieurs observateurs anglophones ont trouvé la remarque déplacée.

Parce que, soyons francs, Montembeault n’a rien volé. Il a gagné sa place en étant solide au Championnat du monde 2023, où il a littéralement hérité du rôle de numéro un et aidé le Canada à rafler l’or.

Il l’a encore méritée en février dernier, lors de la Confrontation des 4 Nations à Boston, même si cette fois, il a dû se contenter d’un rôle de spectateur.

À Calgary, il n’a jamais caché qu’il voulait plus qu’une simple invitation.

« J’y pense, c’est dans ma tête, a-t-il avoué. Ce matin, ils ont dévoilé les chandails qu’on va porter. Ils ont passé des vidéos. On a revu le but de Sid en 2010. Ça donnait des frissons. C’est le fun de penser que je pourrais participer à ça moi aussi. »

Des mots qui résonnent encore aujourd’hui.

Mais Montembeault n’est pas naïf. Il sait que sa place est loin d’être garantie.

Le DG de Team Canada, Doug Armstrong, l’a rappelé noir sur blanc : « Il y a plus que trois gardiens en lice. »

Une façon polie de rappeler que même si tu es invité à Calgary, rien ne t’assure une place dans l’avion vers l’Italie.

Des noms comme MacKenzie Blackwood, Stuart Skinner, Darcy Kuemper ou Logan Thompson sont toujours dans le portrait.

Ce qui rend la sortie de Simmons encore plus irritante, c’est qu’elle réduit à néant tout le travail de Montembeault pour se rendre jusque-là.

On parle d’un gars qui, à 28 ans, a dû se battre pour chaque match, qui a connu les hauts et les bas d’une équipe en reconstruction, qui a été critiqué à ses débuts à Montréal pour finalement gagner le respect des partisans par sa constance et son calme.

Et il faut le dire : s’il a eu droit à une invitation à Calgary, c’est aussi parce qu’il n’a cessé de progresser.

Dans un marché où chaque gardien est scruté à la loupe, où la moindre erreur est amplifiée comme une tragédie nationale, Montembeault a tenu bon.

Il a fait taire ceux qui doutaient de lui à Montréal, et il s’apprête maintenant à tenter de faire la même chose à l’échelle internationale.

Le plus ironique dans cette histoire, c’est que Simmons croyait sans doute faire une remarque banale.

Mais il a mis le doigt sur une corde sensible.

Parce que chaque fois qu’un joueur québécois est jugé autrement que sur sa performance, ça réveille de vieux démons.

On repense à José Théodore, à Jocelyn Thibault, à Patrick Roy même, constamment comparés, constamment questionnés.

Et maintenant, c’est Montembeault qui doit avaler la pilule.

Lui, pourtant, préfère tourner la page.

« J’essaie de ne pas trop lire entre les lignes, a-t-il dit. C’est le fun d’être invité ici, mais si je n’ai pas un bon début de saison, que mon hockey n’est pas bon, ça ne voudra rien dire. »

Encore une fois, une réponse pleine de maturité. Mais derrière cette façade, impossible de croire qu’il n’a pas senti la flèche passer.

Trois semaines plus tard, on en parle encore.

Pourquoi? Parce que cette histoire illustre parfaitement le dilemme de Montembeault.

Il est assez bon pour se retrouver à Calgary, assez respecté pour rêver d’un rôle olympique, mais encore trop souvent vu comme un gardien « par défaut » par certains cercles hors Québec.

Un paradoxe qui pourrait bien le motiver à livrer une saison de feu.

Et c’est là que le drame prend tout son sens.

Parce que si Montembeault connaît un départ canon à Montréal, si le Canadien s’accroche au classement et que lui accumule les victoires, il pourrait transformer ce fiasco médiatique en tremplin.

Et si, à l’inverse, il tarde à s’imposer, les paroles de Simmons risquent de lui coller à la peau comme un stigmate.

À Montréal, on ne pardonne pas facilement. Et quand un joueur devient malgré lui le symbole d’un affront culturel, ça marque.

Alors oui, Samuel Montembeault rêve aux Jeux olympiques.

Mais avant d’y penser, il devra commencer par gagner une autre bataille : celle de prouver, encore et encore, que sa place, il la mérite.

Pas parce qu’il est né francophone. Mais parce qu’il est un vrai numéro un.

AMEN