Le Canadien de Montréal compte-il honorer Jacque Demers?
Le 26 février 2026, quand les Islanders de New York fouleront la glace du Centre Bell, Patrick Roy reviendra à Montréal.
Et s’il y a une seule soirée dans la saison où tout le Québec devrait se lever, c’est celle-là. Parce que ce serait l’occasion, peut-être la dernière, de ramener Jacques Demers sous les projecteurs.
Demers, 81 ans, vit aujourd’hui dans un centre de soins. Paralysé du côté droit, prisonnier d’un corps qui ne lui obéit plus, il souffre d’aphasie, une condition qui le prive de la parole, mais pas de la conscience.
Elle est la conséquence directe de deux accidents vasculaires cérébraux majeurs, le premier survenu en avril 2016, le second quelques années plus tard, encore plus dévastateur.
Ces AVC ont provoqué des lésions dans la zone du cerveau responsable du langage, ce qui a entraîné une paralysie du côté droit et une perte quasi totale de la parole.
L'ancien vice-président chez le Canadien de Montréal, Donald Beauchamp, a donné les dernières nouvelles de santé concernant Jacques Demers. L'extrait vidéo suivant nous donnes les larmes aux yeux:
Depuis, Jacques comprend tout ce qui se dit autour de lui, mais il ne peut plus articuler les mots qu’il voudrait prononcer.
Jacques comprend tout. Il reconnaît tout le monde. Il sourit encore, il s’énerve encore, il saute de joie devant les victoires du CH et bougonne encore devant défaites. Mais il ne peut plus parler.
Ce silence forcé, c’est le drame le plus cruel qui soit. Et pourtant, son regard reste lumineux, habité par la même flamme que celle qui a guidé Patrick Roy vers la gloire en 1993.
Alors oui, la question se pose : et si on le ramenait au Centre Bell lors de la visite de Patrick Roy ?
C’est une idée simple, mais lourde de sens. Quand je l'ai proposé à Donald Beauchamp en entrevue, l'ancien vice-président aux communications trouvait que c'était une excellente idée:
Il est bien placé pour en parler. Il appelle Jacques Demers une fois par moi, même affaibli, même en chaise roulante, même sans parole.
Demers n’a jamais cherché la pitié. Tout au long de sa carrière, il a prêché la résilience, la foi, l’humilité. Il a gravi chaque marche à la force du cœur. Il a offert au Canadien sa dernière Coupe Stanley, alors que personne n’y croyait. Le montrer aujourd’hui, ce n’est pas l’exposer, c’est le célébrer. Ce serait dire à cet homme : on ne t’a pas oublié.
Et si quelqu’un peut donner un sens à cet instant, c’est bien Patrick Roy. Car lui aussi vit avec Jacques Demers dans la tête et dans le cœur.
Depuis son retour derrière le banc, il cite souvent son ancien coach. Il rappelle à ses joueurs des phrases, des gestes, des symboles. « Jacques croyait en nous quand personne d’autre ne croyait », dit-il souvent.
Pour Roy, Demers n’est pas un souvenir. C’est un modèle vivant. L’homme qui a transformé des joueurs ordinaires en champions.
Le coach qui avait le courage de croire que tout est possible. Le voir au Centre Bell, si sa santé lui permet, serait tout simplement incroyable. Une boucle bouclée. Une main invisible qui lui dirait : vas-y Patrick, continue le combat.
Imaginez la scène : les Islanders s’alignent pour l’hymne. Le Centre Bell est plongé dans le noir. Sur l’écran géant, une image de 1993 : Roy et Demers, enlacés dans les bras de la victoire.
Puis les lumières s’allument, et une caméra zoome vers une loge : Jacques Demers, souriant, ému, entouré de sa famille.
À moins qu'on le déplace au centre de la patinoire pour qu'il reçoive le plus d'amour possible de la part du public. Même s'il est paralysé en surface, Demers sera toujours aussi vivant dans nos coeurs.
Certains diront qu’il faut le protéger. Qu’il vaut mieux garder de lui le souvenir de 1993, de ses bras levés au Forum, de sa voix grave et inspirante. Qu'il faut éviter le malaise de voir un héros affaibli. Mais c’est mal comprendre ce que représente Jacques Demers pour le Québec.
Le peuple québécois n’a jamais reculé devant la fragilité. Au contraire, il s’en nourrit. Jacques Demers mérite cet honneur. Sa faiblesse n’est pas une honte. Elle est le reflet de sa grandeur. Montrer Jacques, c’est montrer le courage. C’est dire : voici un homme qui a souffert, mais qui n’a jamais cessé d’aimer ce sport, ce club, ce peuple.
Il faut comprendre ce que Jacques vit. L’aphasie, ce n’est pas une perte de conscience. C’est une prison. Jacques comprend tout, mais les mots restent coincés. Il veut dire « merci », il veut dire « je t’aime », il veut dire « je suis là », mais rien ne sort. Ou alors des sons déformés, frustrants, qui se perdent dans le vide.
Ses proches racontent les moments où il se met en colère, tape sur la table, pleure de rage. Mais ils racontent aussi ses sourires, sa joie simple quand il voit un but du Canadien, sa main gauche qui se lève encore, comme pour applaudir. Il vit, il ressent, il espère. Et il mérite qu’on le voie.
Le retour de Patrick Roy au Centre Bell, derrière le banc des Islanders, sera déjà un événement. Mais si Jacques Demers était présent, même silencieux, même dans l’ombre d’une loge, ce serait un moment d’histoire.
Les caméras capteraient cette image : le dernier grand duo du Canadien réuni, trente-deux ans après 1993. Le héros debout, l’autre assis, mais les deux unis par un lien indestructible.
Les partisans du CH, debout, criant son nom : « Jacques ! Jacques ! Jacques ! »
Patrick Roy, le cœur serré, rendant hommage à celui qui l’a façonné.
Comme dans un film.
Le Canadien a ici une chance unique de réparer un oubli. Depuis des années, l’organisation reste muette sur le cas Demers. Pas de campagne pour le Temple de la renommée. Pas de soirée hommage. Pas même un mot officiel. Ce match du 26 février peut tout changer. Ce n’est pas une question de marketing. C’est une question de respect.
Geoff Molson, qui aime parler de « culture » et de « famille », doit comprendre qu’il n’y a rien de plus culturel et familial que de ramener Jacques Demers à la maison. Pas pour un show, pas pour une image virale. Pour un moment de vérité...de gratitude... d’humanité.
Le Québec est prêt à pleurer, à applaudir, à se souvenir. Ce ne serait pas une scène triste. Ce serait une scène de paix. Une ovation qui dirait : merci Jacques. Merci pour 1993, pour le courage, pour les mots qui nous manquent aujourd’hui, pour les gestes qui ont inspiré des générations.
Le temps file. Jacques Demers ne pourra peut-être pas venir au Centre Bell encore longtemps. Mais tant qu’il respire, tant qu’il comprend, tant qu’il sourit, il faut lui offrir ce moment. Pas un hommage posthume, pas un montage après coup. Une vraie ovation, vivante, devant son peuple.
Parce que le 26 février 2026, au Centre Bell, Patrick Roy sera là. Et ce soir-là, Montréal aura la chance d’écrire l’un des plus beaux chapitres de son histoire : celui où le hockey a retrouvé son cœur.
À Geoff Molson de jouer... et de contacter la famille Demers...
