José Théodore dérape contre Martin St-Louis avec un règlement de comptes inutile qui sent le ressentiment, mais pas la réalité.
La gestion des gardiens à Montréal est un feuilleton éternel. Mais rarement a-t-on vu un ancien joueur comme José Théodore rater autant sa cible, avec une sortie aussi mal avisée, mal synchronisée, et surtout, teintée d’une frustration personnelle à peine dissimulée.
Au micro de Les Amateurs de Sports avec Mario Langlois, l’ancien gardien du CH a vidé son sac. Et c’est peu dire qu’il en voulait à Martin St-Louis.
Dans une sortie publique cinglante, Théodore s’en est pris à la décision de l’entraîneur-chef de ne pas reconduire Samuel Montembeault après sa victoire contre Seattle, préférant envoyer Jakub Dobeš dans la mêlée face à Nashville.
On connaît la suite. Samuel Montembeault a "choké" sa vie contre les Rangers samedi dernier, Jakub Dobeš a été fumant contre les Sabres de Buffalo le lundi, puis a volé les Flames mercredi.
Mais pour Théodore, c’est une trahison.
« Samuel a gagné le match contre le Kraken. Je ne comprends pas pourquoi on n’est pas revenu avec Samuel contre Nashville. Là, on donne la chance à Dobeš. Dobeš, il joue sans pression. Samuel, il cherche un peu sa game. C’est normal, on est en début de saison. »
« Dobeš, il n’a rien à perdre. Je suis passé par là. Quand tu es numéro deux : aucune pression, ça passe ou ça casse. Là, il a gagné. Par respect, on dit : ‘On va redonner le filet à Samuel, c’est notre numéro un’. Te rends-tu compte de la pression additionnelle qu’on lui a donné? C’est facile de dire que ta job, c’est d’arrêter les pucks. Là, on l’a enlevé après une victoire. »
Ce que Théodore ne semble pas comprendre, c’est que cette saison, il n’y a pas de numéro un garanti à Montréal. Ni sur la glace, ni dans la tête de Martin St-Louis.
Le poste est en jeu. Il est mérité, pas donné. Et Dobeš, à ce jour, a tout simplement été le meilleur. 4 victoires en 4 départs. Une moyenne de buts alloués de 1,47 et un pourcentage d'efficacité de 950.
Et ce ne sont que des chiffres. Il faudrait aussi parler de son attitude irréprochable. Un calme qui évoque les plus grands.
Pendant ce temps, Montembeault est en panique devant son filet, affiche une fiche horrible, un pourcentage d’arrêts honteux (857), une moyenne de buts alloués de 3,26 et surtout, une fébrilité qui inquiète.
Le problème, c’est que Théodore ne semble pas parler en analyste impartial. Il parle en gardien québécois blessé, qui se projette trop fortement dans le destin de Montembeault.
Et c’est là que la prise de parole devient maladroite. Parce que ce n’est pas de Samuel Montembeault qu’il est question, mais de José Théodore lui-même. De ses souvenirs. De ses propres frustrations. De son traumatisme personnel quand Semyon Varlamov lui a volé le filet à Washington, en séries, contre le Canadien de Montréal.
Et ça, Martin St-Louis n’a pas à le porter sur ses épaules.
Au contraire, l’entraîneur-chef du Canadien a pris des décisions courageuses. Il aurait pu jouer la carte facile, celle de la diplomatie : donner la cage à Montembeault par défaut. Par respect. Par politique. Mais il a choisi la performance et le mérite.
Et surtout, il a protégé son équipe. Car face à Nashville, Dobeš était prêt. Il l’a prouvé. Il a gagné. Et il a consolidé sa position.
Le timing de la sortie de Théodore est encore plus gênant lorsqu’on sait ce qui s’est passé par la suite. Sans Dobeš, on perd le match hier soir. Et tout le monde sent que Montembeault va se faire transpercer ce soir à Edmonton.
C’est là que la situation devient brutale pour le Québécois.
José Théodore, en voulant défendre Samuel Montembeault, a involontairement précipité la chute du seul argument encore crédible en sa faveur : la solidité du Québécois sous pression.
Montembeault n’a pas perdu un match. Il a perdu son statut. Et même si Martin St-Louis continue de tempérer publiquement les attentes, tout le monde le sait maintenant : le numéro un, c’est Jakub Dobeš.
Et ce n’est pas un manque de respect envers Montembeault. Ce n’est pas une injustice. C’est une réalité sportive. Une hiérarchie naturelle qui s'est décidé sur la glace et non dans le studio de Cogeco.
Mais surtout, il faut dire les choses telles qu’elles sont : si Samuel Montembeault n’était pas Québécois, José Théodore n’aurait jamais fait cette sortie. Il n’aurait pas défendu un gardien qui n’a pas volé sa place, qui n’a pas enchaîné les performances décisives, qui n’a pas encore prouvé qu’il pouvait être un pilier d’équipe dans les grands moments.
Et c’est ça, le malaise. Le patriotisme mal placé. L’obsession du gardien québécois à défendre l’autre, même quand les faits ne suivent pas.
Et à ce titre, Martin St-Louis a été exemplaire. Il n’a jamais fermé la porte à Montembeault. Il ne l’a jamais humilié publiquement. Il lui a donné des départs-clés, mais Sam a "choké".
Alors José Théodore, avec tout le respect qu’on lui doit, devrait se garder une petite gêne.
Ce n’est pas Martin St-Louis qui gère mal ses gardiens.
C’est lui, Théodore, qui gère mal ses souvenirs.
