Quand Lane Hutson a signé son contrat de 8 ans et 70,8 millions $ avec le Canadien de Montréal, plusieurs observateurs ont salué l’habileté de Kent Hughes.
D’autres ont immédiatement soulevé la question que tout le monde évite dans les grands médias : est-ce que Hutson s’est fait avoir?
À la lumière de ce qu’on apprend maintenant du camp de Cale Makar, la réponse est claire : oui. Et il le savait.
Selon de nombreuses sources bien branchées dans les cercles de l’Avalanche, Makar, dont le contrat vient à échéance en 2027, exigera un salaire équivalent à celui de Kirill Kaprizov, soit 17 millions $ par saison. Un chiffre qui paraissait exagéré il y a quelques années, mais qui est désormais dans la logique du marché.
À 26 ans, Makar est le défenseur le plus complet de la LNH, un ancien gagnant du trophée Norris et du Conn Smythe. Il sait exactement ce qu’il vaut, et ne fera aucun cadeau à Joe Sakic.
Et voilà que la comparaison devient inévitable. Car pendant que Makar négocie pour le double de ce que gagnera Lane Hutson (8,85 M$/an), le petit défenseur vedette du Canadien accepte de rejoindre ce qu’on appelle désormais dans les coulisses de la LNH la famille des sous-payés de Montréal.
Il faut bien le rappeler : Lane Hutson aurait pu réclamer 10 à 11 millions $ par année, sans que personne ne crie au scandale.
Thomas Harley, un défenseur solide mais jamais électrisant comme Hutson, vient de signer pour 10,587 M$ par saison au Texas. À 24 ans, Harley est excellent, mais il ne fait pas lever les foules comme Hutson.
Il n’a pas sa vision du jeu. Il n’est pas « Wayne Hutson », comme l’appellent les gars du CH dans le vestiaire. Et surtout, il n’est pas à Montréal, dans un marché où chaque action est amplifiée, chaque geste médiatisé.
Sans parler des impôts québécois.
Alors pourquoi Hutson a-t-il accepté un contrat en dessous de sa valeur réelle? Parce qu’il a choisi la culture plutôt que la confrontation.
Parce qu’il savait que son père, Rob Hutson, exigeait beaucoup trop, et qu’il voulait sortir de cette spirale de négociation toxique.
Parce que Cole Caufield avait déjà accepté 7,85 M$/an, que Juraj Slafkovsky avait accepté 7,6 M$, que Nick Suzuki ne gagne même pas 8 millions, et que même Noah Dobson a signé un deal d’équipe. Il ne voulait pas briser cette dynamique. Il ne voulait pas passer pour l’exception égoïste.
C’est bien connu, Rob Hutson, son père, était omniprésent dans le processus. Il tenait mordicus à ce que Lane soit l’un des mieux payés de la LNH, même avant d’avoir disputé 100 matchs. Il trouvait injuste que son fils, que plusieurs scouts considèrent comme un futur quart-arrière offensif du calibre de Erik Karlsson ou Brian Leetch è leur prime, soit comparé à des joueurs moyens. Il voulait envoyer un message à la ligue. Mais Lane, lui, a refusé de tomber dans ce piège.
À l’interne, on raconte que c’est Lane lui-même qui a forcé son père à se retirer du processus, pour laisser les agents officiels Darren Ferris et Ryan Barnes conclure un deal avec Kent Hughes. (après que l'agent Sean Coffey ait été tassé).
Un geste mature, réfléchi, mais qui aura un prix. Car lorsque Makar touchera 17 M$/an en 2026-2027, lorsque d’autres jeunes comme Luke Hughes ou Jackson LaCombe empochent 9 M$ par année, la compraison devient cinglante.
Mais si Hutson s’est fait avoir, il faut aussi reconnaître le génie tactique de Kent Hughes. À chaque fois qu’un joueur de la LNH signe un contrat dispendieux ailleurs, Martin Necas à 11,5 M$ à Denver, Thomas Harley à plus de 10 M$, Kirill Kaprizov à 17 M$, Cale Makar bientôt à 17 M$, le DG du Canadien passe pour un génie comptable.
Il parvient à bâtir une équipe compétitive sous le plafond salarial, sans surpayer ses vedettes, et en maintenant une culture d’unité salariale.
Le message est simple : si tu veux faire partie de la famille du CH, tu acceptes d’être un peu sous-payé. Mais tu gagnes ailleurs. Tu gagnes la loyauté du groupe. Tu gagnes un rôle à long terme. Tu gagnes la ville.
Ce modèle, aussi admirable soit-il, ne pourra pas s’appliquer à tous. Ivan Demidov, qui pourrait déjà prétendre à un contrat supérieur à Slafkovsky après une saison, sera le test ultime. Va-t-il exiger plus de 10 M$? Va-t-il suivre l’exemple de Hutson ou se rapprocher de celui de Kaprizov? La réponse viendra vite.
Car pour l’instant, Montréal réussit un coup d’éclat rare : construire une équipe étoile sans donner de contrats inflationnistes.
Ce n’est ni la Floride, ni le Texas, ni Vegas, ni un état sans impôt. C’est une organisation qui assume son histoire, sa pression, son exposition… et qui offre en retour un engagement collectif rare.
Il y a quelques années, on aurait ri au nez d’un défenseur réclamant 17 M$ par année. Mais avec le plafond qui grimpe et avec l’impact de joueurs comme Makar, le chiffre devient réaliste. Et c’est là que la différence devient frappante.
Lane Hutson, à peine 21 ans, est l’un des 12 meilleurs défenseurs au monde pour les batailles de rondelle gagnées. Il est sur la première vague du powerplay, il joue déjà 22 minutes par match, il s’impose dans la chambre… et gagne 8,85 M$ dans une ville à taxes élevées.
Pendant ce temps, Cale Makar négocie son contrat de 17 M$ sans remords, C’est une autre ligue. Une autre vision. Et pourtant, c’est cette même ligue que Hutson domine par moments, avec un gabarit que personne ne croyait possible dans la LNH d’aujourd’hui.
Lane Hutson ne sera pas jamais pauvre. Mais il aurait pu aller chercher beaucoup plus. Il a fait un choix. Un choix pour la culture, pour ses coéquipiers, pour son rôle à long terme dans la dynastie en construction du CH. Mais ce choix, il ne faut pas l’idéaliser. Car chaque contrat signé ailleurs, que ce soit Harley, Necas, Kaprizov ou bientôt Makar, nous rappelle à quel point Hutson est une aubaine salariale.
Et dans une ligue où l’argent finit toujours par dicter les décisions, le contrat de Lane Hutson restera l’un des plus sous-évalués de la décennie.
