C’est le genre de soirée qui, sans être catastrophique, laisse un goût d’inachevé.
Ivan Demidov a encore montré ses éclairs de génie… mais sans réelle domination.
Quatorze minutes de jeu, six minutes en avantage numérique, et pourtant, rien à se mettre sous la dent.
Rien pour alimenter la ferveur qui entoure le jeune Russe depuis son arrivée à Montréal.
Et pendant ce temps-là, à Anaheim, un autre nom attire soudain toute l’attention : Beckett Sennecke.
Deux buts à son deuxième match en carrière, déjà quatre points en deux parties, et un temps d’utilisation moyen de plus de 18 minutes.
Hier soir, il a encore été utilisé 19 minutes par Greg Cronin, dont près de deux minutes et demie sur l’avantage numérique.
Un signe clair : Anaheim fait confiance à son jeune attaquant.
Et surtout, Sennecke la lui rend bien.
Sur le deuxième but, celui que tout le monde a vu passer dans les highlights, le jeune des Ducks a frappé avec une aisance qui rappelle celle d’un joueur déjà établi.
Le contraste est saisissant.
Les deux joueurs sont du même repêchage (2024): Sennecke sélectionné 3e par Anaheim, Demidov 5e par Montréal.
Et pourtant, leurs trajectoires semblent déjà opposées.
À Montréal, Martin St-Louis joue la carte de la patience.
Hier soir, contre Chicago, le Canadien a profité de dix avantages numériques, mais n’a converti que deux fois.
Demidov, lui, n’a obtenu aucun point, malgré six minutes passées sur la deuxième vague de l’avantage numérique.
Le contraste est frappant quand on sait que Juraj Slafkovsky, sur la première unité, a bénéficié de dix minutes entières sans rien produire non plus.
St-Louis s’en est défendu après la rencontre :
« J'y vais avec la ligne qui est fraîche. On essaye d'être 50/50 »
Mais les chiffres contredisent cette théorie.
L’équilibre, il n’y en a pas.
Et quand on regarde les game logs de Demidov ... 13:21 contre Toronto, 12:04 contre Détroit, 14:22 contre Chicago, on sent que la prudence de l’entraîneur devient une constante.
Mais il faut quand même pardonner à Martin St-Louis. Le contexte joue contre lui.
Le Canadien vient de disputer trois matchs consécutifs sur la route, et sans le dernier changement, la marge de manœuvre est mince.
Difficile pour St-Louis de choisir les bons duels pour protéger son jeune Russe à 5 contre 5.
Surtout quand on considère l’absence d’un vrai centre gaucher capable de remporter des mises au jeu cruciales, comme pouvait le faire Christian Dvorak dans le passé.
Résultat : c’est souvent Jake Evans qu’on envoie dans la mêlée pour sécuriser les faceoffs, tandis que la ligne de Demidov, elle, embarque surtout on the fly, en pleine transition.
Un détail qui change tout dans la gestion de ses minutes et dans la confiance qu’on peut lui accorder défensivement.
Pendant ce temps, Sennecke est lancé à pleine vitesse.
Son temps de jeu ne cesse d’augmenter, son impact est immédiat, et les médias de la Californie s’enflamment déjà pour lui.
Il joue sans complexe, sans prudence, et surtout, sans les contraintes défensives qui entourent Demidov à Montréal.
La différence de contexte saute aux yeux : Anaheim n’a aucune pression de gagner, tandis qu’à Montréal, la reconstruction touche à sa fin.
Martin St-Louis veut que ses jeunes s’intègrent dans un système solide, pas qu’ils fassent du spectacle.
Et c’est là que la réalité rattrape Ivan Demidov.
Le hockey nord-américain à 5-contre-5, c’est un autre univers.
L’espace disparaît, la marge d’erreur fond, et la créativité pure ne suffit plus.
Il faut apprendre à jouer dans les coins, à protéger la rondelle, à subir le contact.
Des qualités que Sennecke, lui, semble déjà maîtriser.
Personne ne remet en cause le talent de Demidov.
Mais le vent d’optimisme du camp d’entraînement s’est transformé en attente mesurée.
Pendant ce temps, à New York, Mathieu Schaefer est en train de tracer une toute autre trajectoire.
Le jeune défenseur des Islanders mange les minutes comme un vétéran affamé.
Il joue déjà sur le premier avantage numérique, et on parle d’un gars qui, après seulement deux matchs, passe plus de 21 minutes par soir sur la glace.
Hier encore, contre Washington, il a été utilisé pendant 26 minutes pleines — du jamais-vu pour un recrue défensive à ses débuts.
Schaefer est devenu, en l’espace d’une semaine, le pilier de la défensive new-yorkaise.
Alors si vous croyez encore qu’Ivan Demidov file seul vers le trophée Calder, détrompez-vous : la compétition vient de s’inviter à la table, et elle ne fait aucun cadeau.
On ne lui demande pas de gagner le Calder demain matin.
On veut d’abord qu’il trouve sa place dans un système rigide, exigeant, nord-américain.
Mais pendant ce temps, les comparaisons deviennent inévitables.
Chaque but de Beckett Sennecke, chaque match de Mathieu Schaefer à plus de vingt minutes, agit comme un miroir cruel.
À Anaheim, on parle d’un joueur qui s’émancipe.
À New York, d’un défenseur qui s’impose.
Et à Montréal, d’un jeune talent qu’on retient encore, qu’on protège peut-être un peu trop.
Pendant que les projecteurs se déplacent vers la Californie et Long Island, Ivan Demidov apprend à la dure que la route vers le trophée Calder n’est jamais une ligne droite.
C’est un marathon de constance… pas une course de talent.
Ouch...