Il y a quelque chose de tragique et de noble à la fois dans la trajectoire de Brendan Gallagher. L’ailier guerrier du Canadien de Montréal, autrefois acclamé pour son courage et son intensité, est aujourd’hui prisonnier d’un contrat devenu un boulet, d’un corps brisé par les années, et d’une fin de carrière que tout le monde sent venir… sauf lui.
Mais le CH, lui, le sait. Le quatrième trio de l’équipe pour 2025-2026 est déjà bétonné :
Cole Caufield – Nick Suzuki – Juraj Slafkovsky
Zachary Bolduc – Kirby Dach – Ivan Demidov
Patrik Laine – Jake Evans – Alex Newhook
Gallagher - Veleno - Anderson
Trois noms, une facture de près de 13 millions de dollars sur le cap. Probablement le quatrième trio le plus cher, voire le plus cher, de toute la LNH.
Et pourtant, pas de rachat cette année. Le Canadien refuse de lui faire vivre l’humiliation de se faire sortir comme un voleur.
Brendan Gallagher va terminer son contrat. Et ses deux dernières années seront les dernières de sa carrière. C’est écrit dans le ciel.
Il faut le dire franchement : Brendan Gallagher est protégé à un niveau presque pathologique par les médias montréalais.
Aucun journaliste n’ose le confronter sur sa réelle valeur actuelle. Même lorsqu’il affirme au tournoi de golf d’avant-saison qu’il croit pouvoir encore marquer 30 buts dans cette ligue, personne ne le contredit.
Tout le monde, médias, partisans, même certains coéquipiers, avait ri quand il a affirmé l’été dernier qu’il se sentait capable d’en marquer 30.
On avait traité ça d’illusion. De déni. Et pourtant… il a terminé la saison avec 21 buts, 17 passes, 38 points en 82 matchs.
Pas en 50. Pas en 60. En 82 matchs complets, dans un rôle ingrat, où il devait souvent affronter des missions défensives, sans traitement de faveur.
Il faut lui rendre ça. Ce n’est pas rien. Des gars jeunes, en pleine santé, avec du temps d’avantage numérique, n’atteignent même pas ce total.
Et Gallagher, malgré un patinage en déclin, un physique usé jusqu’à la corde, a trouvé le moyen de faire ce qu’il a toujours fait : travailler plus fort que tout le monde.
C’est ça, Brendan Gallagher. Et même si sa fin approche, il mérite ses fleurs pour cette saison-là. Parce qu’il a fait taire bien des critiques. Parce qu’il a eu le dernier mot, au moins pour un an.
Tout le monde sait pourtant que le réservoir est à sec. Tout le monde voit qu’il est lent, épuisé, qu’il se traîne sur la glace comme un vétéran au bout du rouleau. Mais personne ne pose la question : Brendan, penses-tu encore être capable de suivre la cadence de la LNH?
C’est un sujet tabou. On le ménage. Parce que c’est “Gally”. Parce qu’il a tout donné. Parce qu’il a saigné pour le chandail. Parce qu’il est, pour certains, l’âme du vestiaire.
Mais l’âme est fatiguée.
Le contrat de Gallagher, c’est un monstre. Un monstre signé sous l’ère Marc Bergevin : 6 ans, 39 millions de dollars, 6,5 M$ par saison. Un contrat rétroactif qui pèse sur la masse salariale d’une équipe qui cherche maintenant à redevenir un aspirant sérieux à la Coupe Stanley d’ici 2026-2027.
Et même si un rachat a été évité à l’été 2024 et en 2025, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon Mathias Brunet, le CH aurait économisé 6,5 M$ sur les 19 M$ restant à son contrat si un rachat avait été effectué en 2025. L’échéancier de la pénalité aurait été raisonnable.
Mais ce rachat n’a pas eu lieu cet été pour une seule raison : le respect. On ne voulait pas humilier Gallagher. On veut le laisser finir son contrat… mais il faut être lucide. Le rachat en 2025 était déjà prévu dans les coulisses. Le vestiaire le savait. Le staff le savaitt. Même lui devait le savoir.
Mais sa saison incroyable a tout changé. Il a convaincu le Canadien de lui laisser finir son contrat. Pas par charité, mais parce qu’il le méritait. Parce qu’il avait livré une saison honnête, courageuse, même admirable. Et dans une organisation qui valorise l’effort et la loyauté, ce genre de performance, ça se respecte.
Gallagher ne jouera pas après 2027. Son corps est détruit. Chaque présence est un combat. TVA Sports a même lancé, à la blague, qu’on devrait lui offrir des tubes d’Antiphlogistine pour Noël.
Et ce n’est pas une exagération. Il est amoché. Irrécupérable.
Personne ne le voit retourner jouer en Europe. Il ne tiendrait pas trois matchs sur les grandes glaces du Vieux Continent. Son corps ne suit plus, même sur une patinoire nord-américaine. Et sa vie est ici.
Sa femme et mère de sa petit fille, Emma Fortin, est la fille d’un géant du monde financier québécois : Jean Fortin, président de la firme Jean Fortin & Associés.
Elle est enracinée à Montréal. Lui aussi. Il est clair que Brendan Gallagher ne s’exilera pas pour jouer une dernière saison dans une obscure ligue européenne. Il est déjà en transition.
La retraite ne sera pas un drame pour Gallagher. Financièrement, il est à l’abri. Il a amassé plus de 60 millions de dollars en carrière. Et il est lié à plusieurs marques commerciales :
GOOD FOOD, même si l’entreprise a frôlé la faillite.
Taylor Made, dans l’industrie du golf.
Jump Bed, dans le monde du matelas.
Il aime le plein air, le golf, le baseball. Il est vendeur dans l’âme. Il ne retournera pas à l’école comme Alex Chiasson, mais il n’en aura pas besoin. Sa compagne est aussi riche que lui, voire plus. Il ne sera jamais mal pris.
Au cœur de tout ce drame professionnel, il y avait un autre combat. Bien plus important. Celui de sa mère, Della Gallagher.
En mars 2025, Brendan Gallagher a perdu bien plus que sa plus grande supportrice. Il a perdu sa mère, son pilier, son héroïne.
Della Gallagher s’est éteinte après 43 mois de combat acharné contre un glioblastome de stade 4, un cancer du cerveau aussi rare qu’impitoyable.
Son diagnostic, survenu en août 2021 après une crise convulsive au volant, avait bouleversé la famille au complet. Ce jour-là, Della avait été transportée d’urgence à l’hôpital de Lloydminster, puis évacuée par hélicoptère à Edmonton, où la famille, Brendan, ses sœurs Bree et Erin, son frère Nolan, son père Ian et son beau-frère Nick, s’était rassemblée autour de son lit d’hôpital.
Les médecins parlaient alors d’AVC… jusqu’à ce que le diagnostic tombe : glioblastome, espérance de vie moyenne de 14,6 mois. Elle a tenu près de trois ans et demi. Parce qu’elle refusait de mourir.
Della Gallagher a combattu avec une dignité et une force qui ont inspiré toute une communauté. Sa fille Bree est devenue la porte-parole du combat, menant des campagnes de sensibilisation et de financement pour la recherche, tandis que Brendan, lui, se battait sur une autre glace, celle du hockey professionnel, avec une douleur constante dans le cœur.
Chaque match qu’il disputait, il le jouait pour elle. Et malgré ce drame personnel, il a continué à tout donner, devenant pour ses coéquipiers un modèle de courage silencieux. Jake Evans disait de lui :
« Je ne sais pas comment il a fait. Il continuait à jouer, à sourire, à se battre… alors que chez lui, c’était l’enfer. Brendan est un guerrier, mais surtout, un fils exceptionnel. »
Brendan Gallagher ne parle pas souvent de ce qu’il vit. Mais dans ses rares confidences, il a reconnu que ce combat l’a transformé. Qu’il est aujourd’hui animé par la mémoire de sa mère, par l’héritage de sa combativité, et par l’amour inconditionnel qu’elle lui a toujours donné.
Le décès de Della n’est pas une fin. C’est un flambeau transmis. Et Brendan, malgré la fatigue, malgré les coups, malgré les rumeurs de retraite, continue d’avancer. Pour elle.
Il a tout fait pour qu’elle ait accès à des traitements expérimentaux à l’Université de Californie du Sud. Il a payé, organisé, soutenu. Il a porté ce combat sur ses épaules en même temps que ses blessures, ses échecs, ses souffrances sur la glace.
Ce qu’il vit depuis quatre ans dépasse le hockey. C’est un drame humain. Un drame digne de respect.
Et pourtant, malgré tout ce qu’il a donné, tout ce qu’il endure, Gallagher joue encore. Et il jouera encore. Mais sur le quatrième trio à 13 M$.
On ne parle pas ici d’un quatrième trio de jeunes affamés. (malgré sa jeunesse, Veleno n'est pas le joueur le plus énergique). On parle d’un trio usé, cher, et destiné à jouer 10 minutes et des miettes par match.
C’est un aveu de déclin. Mais aussi une forme de respect. On ne le relègue pas aux gradins. On le garde dans l’alignement. Pour sa bouche, sa voix, son courage. Parce qu’il est aimé.
Mais soyons honnêtes : il est là par charité. Il ne fait plus gagner le CH.
Tout le monde parle de 2027. L’année où le Canadien espère redevenir un véritable aspirant à la Coupe.
Mais Gallagher? Absent des alignements projetés. Oublié des discussions. Invisible.
Il le sait. Et ça doit lui fendre le cœur.
Il a donné 13 ans de sa vie à cette équipe (15 ans à la fin de son contrat). Il a tout encaissé. Les cross-checks, les blessures, les critiques, les blessures encore. Il a saigné pour ce chandail.
Mais aujourd’hui, il est de trop.
Restera-t-il dans le hockey?
Il pourrait suivre Paul Byron dans l’équipe de développement. Il pourrait devenir ambassadeur de la marque CH. Il pourrait bâtir son entreprise. Il pourrait tout faire. Il a les contacts. Le charisme. La reconnaissance.
Mais il doit faire le saut.
Il doit accepter que sa carrière est derrière lui. Le directeur des initiatives stratégiques de l’AJLNH, Robert Zepp, est là pour l’aider. Il guide les joueurs dans leur transition. Il pourrait aider Gallagher à planifier la suite.
Brendan Gallagher ne sera pas racheté cette année. Il finira ses deux dernières saisons dans l’ombre, sur un quatrième trio luxueux, dans un rôle plus spirituel que sportif.
Mais la fin approche. La retraite se profile. La coupe ne se gagnera pas avec lui. Et c’est correct.
Il a tout donné.
Son corps est brisé, mais son âme est intacte.
Il ne faut pas oublier tout ce qu’il a fait pour cette organisation. Mais il faut aussi cesser de faire semblant qu’il est encore une pièce centrale. Il ne l’est plus. Il ne le sera plus.
Et ce n’est pas grave.
Brendan Gallagher mérite une sortie digne.
Et Montréal doit avoir le courage d’écrire le dernier chapitre, pendant qu’il est encore debout.