Ce soir, au Centre Bell, devant une foule en délire et une avalanche d’émotions, Samuel Montembeault a décroché une victoire qui n’aurait jamais dû lui appartenir.
Non seulement il a permis aux Sénateurs d’Ottawa de revenir dans un match que le Canadien menait 2-0, mais il a frôlé la catastrophe statistique avec une autre performance qui laisse plus de questions que de réponses.
Et pourtant, contre toute attente, c’est bien lui qui célèbre ce soir, protégé par le talent salvateur d’Ivan Demidov qui a marqué le but égalisateur en toute fin de match.
Et la finition spectaculaire d’Alex Newhook en prolongation...
Un miracle moderne à saveur montréalaise. Montembeault est peut-être devenu, l’espace d’une soirée, l’homme le plus chanceux de la planète hockey.
Commençons par ce qu’il faut vraiment nommer comme un geste de foi absolue : c’est Martin St-Louis qui a envoyé Samuel Montembeault au combat contre Ottawa
Depuis des jours, Martin justifie l’utilisation limitée de Montembeault par des discours savamment tournés sur l’importance de l’entraînement, du travail, du contexte, de la confiance mutuelle entre coéquipiers.
Mais dans le fond, il a tout simplement voulu donner à Montembeault une dernière chance, contre un rival direct, au Centre Bell, dans un match à haute tension. Une occasion bénie, offerte par l’univers ou peut-être par le cœur mou d’un coach humain trop humain.
Tout avait pourtant bien commencé. Cole Caufield, sur une échappée, a profité d’un léger cafouillage de Linus Ullmark pour inscrire son dixième but de la saison.
Quelques instants plus tard, Juraj Slafkovský a enfilé son sixième, profitant d’un avantage numérique bien exécuté. Montréal menait 2-0, l’ambiance était électrique, les partisans scandaient déjà des chants moqueurs à l’endroit d’Ottawa, et Montembeault, jusqu’ici, n’avait pas eu à se surpasser.
Puis le sablier s’est retourné.
Drake Batherson, Michael Amadio (dans des circonstances controversées) et Tim Stützle, tous dans un espace de 20 minutes de jeu, ont transformé l’avance en désastre.
Les Sénateurs menaient 3-2. Montembeault venait de subir trois buts sur 17 tirs dans une séquence confuse où il n’a jamais retrouvé sa position. C’est là qu’on a compris une fois de plus : Montembeault ne vole pas de matchs. Il les subit.
Son taux d’efficacité est désormais rendu à .839. Sa moyenne de buts alloués est à 3.66. Ces chiffres ne sont pas seulement médiocres, ils sont indignes d’un gardien de la LNH. Ils feraient rougir un auxiliaire de fond de classement.
Et pourtant, grâce à la magie offensive du CH, Montembeault réussit à survivre. Mais survivre n’est pas dominer. Et dominer, c’est ce qu’un gardien numéro un est censé faire.
Montembeault a continué d’afficher le même calme désarmant, affirmant qu’il ne veut pas « stresser » avec ses performances, qu’il faut « laisser aller les choses ».
Mais il y a une différence entre rester zen et s’éteindre lentement. À force de tendre l’autre joue, Samuel Montembeault est en train de se coucher devant la carrière montante de Jakub Dobeš, dont le nom circule de plus en plus dans la bouche des observateurs comme celui du seul numéro un à Montréal.
Alors que tout semblait s’écrouler, que les partisans s’apprêtaient à huer le 3e but d’Ottawa comme un glas pour Montembeault, Ivan Demidov est intervenu. En fin de troisième, le jeune Russe a inscrit son troisième but de la saison, d’un tir vif et précis, qui a égalé la marque. Une fois de plus, Demidov a fait ce que Montembeault ne fait pas : répondre à la pression.
C’est le genre de geste qui sauve un coéquipier. Qui évite la controverse médiatique. Qui camoufle l’échec derrière une fête. Et dans ce cas-ci, qui a permis à Montembeault de retourner au banc avec une victoire, même s’il a livré l’un des pires matchs... encore une fois..
La prolongation aurait pu être le théâtre d’un nouveau cafouillage. Mais Alex Newhook, sur une interception brillante au centre, a filé seul vers Ullmark et a marqué le but gagnant.
Le Centre Bell a explosé. La feuille de match retiendra la victoire. Les statistiques de Montembeault, elles, seront maquillées par ce point supplémentaire, même s’il n’y est pour rien.
Et pourtant, l’image finale, c’est celle de Montembeault qui lève les bras. Parce qu’il a gagné. Parce qu’il a survécu.
Mais il sera un gardien trop gentil pour réclamer son trône
Tout au long de la semaine, Montembeault a répété qu’il comprenait la décision de Martin St-Louis de donner deux départs de suite à Dobeš. Il a félicité le Tchèque pour ses performances, parlé d’entraide, de travail avec Éric Raymond, et insisté pour dire qu’il ne ressentait aucune pression.
Mais c’est justement ça, le problème. Aucun feu. Aucun désir de vraiment reprendre le filet. Aucune déclaration qui affirme haut et fort qu’il est l’homme de la situation.
Ce soir encore, il s’est effacé dans la victoire. Montembeauman est devenu une version québécoise de Jake Allen : sympathique, sage, stable émotionnellement… et totalement incapable de dicter le tempo d’une saison. Ce n’est pas un crime. Mais ce n’est pas ce que cherche une équipe qui vise la Coupe Stanley en 2026.
Avec Dobeš qui affiche une fiche parfaite, un pourcentage de .930, et une moyenne de buts alloués de 1,97 avec Jacob Fowler qui enchaîne les blanchissages à Laval, et avec une direction du CH qui scrute le marché des gardiens (Caroline, Edmonton, Philadelphie), l’avenir de Samuel Montembeault devient une énigme douloureuse.
Il est sous contrat jusqu’en 2027, mais à 3,15 M$ par année, il reste échangeable. Le problème, c’est qu’aucune équipe ne paiera pour un gardien à .839 d’efficacité. Sauf si un miracle arrive. Et ce soir, il a eu ce miracle. Mais combien de fois encore pourra-t-il bénéficier de Demidov ou Newhook pour le sauver du désastre?
Le hockey est cruel. Il récompense parfois les moins méritants, par caprice ou hasard. Ce soir, Samuel Montembeau a profité d’un alignement des planètes.
Il a gagné un match qu’il aurait dû perdre. Il a été porté par ses coéquipier
Et Il est resté fidèle à lui-même. Gentil. Silencieux. Chanceux.
Et c’est peut-être ce qui le condamne à ne jamais être plus que ça : un homme de devoir, mais pas un homme de mission.
