Le clan Crosby est-il en train de se fissurer? : entre loyauté et pression familiale, Pittsburgh retient son souffle... et Montréal aussi...
Il règne une drôle d’ambiance dans la ville de l'acier. Officiellement, tout va bien : quatre victoires, deux défaites, um Crosby toujours aussi efficace, un Erik Karlsson retrouvé, un Malkin encore inspiré et les gardiens qui font le travail.
Mais derrière les chiffres flatteurs, les observateurs perçoivent une tension sourde : le clan Crosby n’est plus aligné. D’un côté, Sidney, fidèle, serein, concentré sur sa saison ; de l’autre, son père Troy, son agent Pat Brisson et plusieurs proches qui murmurent que le moment approche, que le fils prodigue doit enfin vivre son rêve d’enfance et terminer sa carrière dans le bleu, blanc, rouge du Canadien de Montréal.
Le paradoxe est total : tout le monde veut que Crosby parte, sauf Crosby.
Depuis le début de la saison, les Penguins surprennent. Après avoir battu les Kings 4-2 et blanchi les Sharks 3-0 lors du voyage californien, ils affichent un dossier de 4-2. L’équipe joue bien, le système de Dan Muse fonctionne, et même les jeunes comme Benjamin Kindel, la sensation du dernier repêchage, choisi 12e au total, donnent de l’énergie.
Mais à chaque victoire, une même scène se répète : les caméras montrent Crosby sur le banc, calme, concentré, parfois fatigué. Et derrière lui, les rumeurs s’enflamment.
Parce que pour le père Crosby, le succès temporaire des Penguins n’est qu’un piège. Troy Crosby, repêché jadis par le Canadien de Montréal (12e ronde, 1984), n’a jamais caché son attachement au CH.
Il rêve de voir son fils finir sa carrière là où tout a commencé, dans la ville où le nom Crosby a pris racine dans la mémoire collective avant même la naissance de Sidney. Mais surtout, on parle de l'équipe d'enfance de Sid the Kid.
Depuis des mois, il multiplie les signaux discrets, frustré de voir le nouveau coach Dan Muse réduire le rôle de son fils à coups de 17 minutes et des poussières par match.
C’est là tout le drame : Sidney Crosby n’est plus le joueur le plus utilisé des Penguins. Dubas et Muse veulent mettre l’accent sur les jeunes, créer une nouvelle dynamique, reconstruire peu importe les désirs du capiraine.
Et Crosby, lui, le sent : chaque minute de moins est un message de plus.
Mais pour l’instant, il ne bronche pas. Il joue, il produit, il a déjà 7 points en 6 matchs, il guide, il enseigne. Il sait que toute déclaration publique serait interprétée comme une trahison. Alors il se tait.
Ses proches, eux, ne se taisent plus. Pat Brisson, qui gère aussi Nathan MacKinnon et Connor Bedard, a déjà laissé entendre que « rien n’est impossible » dans le dossier Crosby.
Son père, Troy, est encore plus explicite : il s’irrite du manque de respect du directeur général Kyle Dubas. Il estime que le coach Muse a été choisi justement pour tourner la page de l’ère Crosby-Malkin-Letang. Et il n’a pas tort : la nomination d’un entraîneur sans expérience, adepte du développement, envoie un message clair.
Ce message, Crosby le comprend, mais il refuse de l’entendre. Tant que l’équipe gagne, il restera. Tant que le vestiaire garde foi en lui, il se battra.
La fiche actuelle de 4-2 actuel lui donne raison. Le problème, c’est que cette réussite provisoire retarde une décision inévitable : tôt ou tard, Pittsburgh devra choisir entre reconstruire pour de bon ou prolonger artificiellement son ère dorée. Et quand ce jour viendra, Dubas sait que le numéro 87 ne voudra pas faire partie du nettoyage.
C’est là que la pression familiale entre en jeu. Le père Crosby est persuadé que Sidney doit partir avant que la LNH ne le considère comme un joueur du passé.
Il voit Montréal briller, il voit Suzuki, Caufield, Hutson, Demidov et Dobson devenir la nouvelle génération qu’il rêverait de voir son fils encadrer. Et il sait que Sidney regarde, lui aussi. Le Centre Bell en feu réveille quelque chose en lui.
Ce n’est pas un hasard si Troy Crosby parle souvent de Montréal avec nostalgie. Il y a 40 ans, il portait déjà les couleurs du CH dans sa tête. Il aurait aimé être le gardien du Canadien ; son fils, aujourd’hui, pourrait en devenir le centre. Pour le père, ce serait un aboutissement ; pour le fils, une renaissance.
Mais les circonstances ne jouent pas en leur faveur. Pittsburgh n’est pas une équipe en crise. Malkin a 9 points en 7 matchs (2 buts, 7 passes).
Karlsson retrouve son niveau d'antan, et le jeune Kindel, 19 ans, commence à devenir un coup de génie. Dubas peut donc s’abriter derrière les résultats pour refuser toute discussion. Et plus les Penguins gagnent, plus le message de Troy Crosby sonne comme une provocation.
La vérité, c’est que le clan Crosby n’a jamais été aussi divisé. D’un côté, un joueur fier, encore dominant, qui veut rester en héros ; de l’autre, un père et un agent qui pensent en termes de rêve montréalais.
Ils ne se contredisent pas : ils ne parlent simplement pas du même temps. Sidney vit le présent ; son entourage vit le futur.
Ce futur, pour Pat Brisson et Troy Crosby, passe inévitablement par Montréal. Parce qu’il n’y a pas de symbole plus fort que celui d’un Crosby dans le chandail tricolore, fermant la boucle ouverte par le repêchage de son père en 1984. Parce que le CH est désormais prêt, financièrement et sportivement, à accueillir un joueur de cette trempe. Et parce que la ville l’attend comme un sauveur.
Mais pour que cela arrive, il faudra que les Penguins tombent. Et tant que Dubas et Muse trouvent le moyen de gagner des matchs, Crosby n’aura aucune raison valable de demander une transaction. C’est le pire scénario : chaque victoire prolonge son exil.
Pendant ce temps, à Montréal, l’excitation grandit. Les partisans sentent que le vent tourne, que le rêve se rapproche. Renaud Lavoie a répété que le CH était « prêt à faire des affaires sérieuses » ; Hughes et Gorton gardent le contact avec Brisson. Tout est en place pour le jour où le clan Crosby parlera d’une seule voix.
Ce jour-là, il ne faudra pas regarder les points au classement, mais les émotions dans le regard de Sidney. On dit qu’il peut contrôler tous les aspects de son jeu, sauf celui-là : le moment où il devra choisir entre la fidélité et le rêve d’enfant
. Et à force de voir Montréal flamber pendant que son père le presse de suivre son cœur, il sait qu’une saison comme celle-ci ne peut pas se terminer sans réponse.
Pour l’instant, Pittsburgh profite de ses victoires, Crosby fait ce qu’il a toujours fait : il gagne en silence. Mais dans l’ombre, le compte à rebours continue.
Parce que tant que son père et son agent le poussent vers Montréal, tout le monde attend la désision de Crosby.
Et quand elle tombera, tout le Québec sera prêt.