Logan Mailloux : arrogant à Saint-Louis, humble à Montréal... un double discours qui fait jaser...
Logan Mailloux a réussi en moins d’une semaine à projeter deux images radicalement opposées de lui-même.
À Saint-Louis, il s’est présenté comme un défenseur supérieur à Evan Bouchard, un joueur physique qui ne veut pas être vu comme un simple quart-arrière de power play. Il a rejeté les comparaisons, affirmé son style, imposé son ton. Bref : il a choqué.
Quelques jours plus tard, en entrevue avec RG Média à Montréal, le même Logan Mailloux s’exprimait dans un ton complètement différent : humble, doux, respectueux, prêt à apprendre, reconnaissant envers l’organisation du Canadien.
C’est flagrant. Et c’est contrôlé. Son agent a visiblement tiré sur la sonnette d’alarme.
Commençons par les faits. Dès ses premières déclarations en tant que membre des Blues, Mailloux rejette ouvertement les comparaisons avec Evan Bouchard.
« Pour être franc, je ne vois pas vraiment de similarités entre moi et Bouchard. »
Il admet respecter certains aspects du jeu de Bouchard, mais insiste pour s’en dissocier :
« J’aime la façon dont il lance la rondelle, comment il travaille la ligne bleue, sa première passe… mais je ne pense pas que ce soit un joueur comparable. »
Puis il donne ses propres références :
« Je me compare plus à Pietrangelo. Ou John Carlson. J’aime avoir du mordant dans mon jeu. »
Et il ajoute :
« Je joue mon meilleur hockey quand je suis dur à affronter. C’est ce que les partisans aiment ici. Ils veulent un joueur tough. Et c’est ce que je vais leur donner. »
Le message est clair : il ne veut pas être perçu comme un défenseur offensif unidimensionnel. Il rejette le profil “soft”, il veut qu’on sache qu’il frappe, qu’il dérange, qu’il impose.
C’est une déclaration à la fois de guerre et d’identité.
Réaction : admiration ou malaise?
À Saint-Louis, certains partisans ont aimé le ton. Ils y ont vu de la confiance, du swagger, du leadership.
Mais dans le vestiaire, ce genre d’attitude passe souvent plus difficilement.
Et à Montréal, les observateurs ont été nombreux à réagir. Le rejet sec d’un joueur comme Bouchard, considéré par plusieurs comme une référence moderne, a été vu comme de l’arrogance pure. Une provocation inutile.
La perception s’est rapidement installée : Mailloux parlait trop fort, trop vite.
Quelques jours plus tard, Mailloux accorde une longue entrevue à Marco D’Amico de RG Média.
Et là, changement radical. Le ton, les mots, la posture : tout est différent. Ce n’est plus le même joueur.
Il parle de ses blessures émotionnelle suite au scandale où il a partagé une photo non-consentante de sa fréquentaition en Suède pendant la COVID-19. Il a été accusé à la cour suédoise.
« C’était évidemment un parcours un peu différent pour moi, de ne pas avoir joué beaucoup au niveau junior. »
Il parle aussi de ses erreurs sportives :
« En première année, j’étais trop concentré sur l’offensive. Ça marchait parfois, mais pas toujours. En deuxième année, j’ai appris à jouer un autre style. »
Il parle de ses progrès, de ses limites, de son désir d’apprendre. Il fait l’éloge de l’organisation du Canadien, des entraîneurs, des collègues. Il remercie David Reinbacher, Rob Ramage, Jakub Dobes. Il parle même de la culture québécoise et de la musique des Cowboys Fringants.
Il dit avoir fait des efforts pour parler français :
« Je suis beaucoup plus à l’aise hors caméra, mais j’ai essayé en français. »
En bref : un ton humble, préparé, réfléchi. Loin du jeune provocateur de l’entrevue précédente.
Pourquoi un tel revirement?
Ce n’est pas de la schizophrénie médiatique. C’est une stratégie de gestion d’image. Quelqu’un, possiblement son agent, possiblement les Blues eux-mêmes, a vu passer l’entrevue de Saint-Louis et a sonné l’alarme.
Trop arrogant. Trop polarisant. Trop vite.
Et Mailloux a rectifié. Il a joué le jeu. À Montréal, il a raconté ce que le public québécois voulait entendre. Il a remercié, il a adouci son ton, il a parlé de culture locale, de respect, d’amitiés.
Il a présenté l’image d’un jeune homme humble qui quitte une organisation qui lui a tant donné.
Et ça a marché.
Le problème : les deux entrevues existent.
Mais les deux versions de Mailloux circulent. Et ce qui choque, ce n’est pas le contenu, mais le contraire.
À Saint-Louis, il affirme qu’il est mieux que Bouchard. À Montréal, il admet qu’il a encore beaucoup à apprendre.
À Saint-Louis, il se compare à Pietrangelo. À Montréal, il cite Rob Ramage comme mentor spirituel.
À Saint-Louis, il parle comme s’il avait sa place garantie dans le top-4. À Montréal, il dit vouloir seulement gagner sa place et être reconnu pour sa constance.
Les deux discours sont tellement différents qu’ils soulèvent une question : lequel est réel?
Et surtout… lequel va ressortir?
Le vrai Mailloux, celui qu’on verra sur la glace cette saison, va finir par choisir.
S’il obtient du temps de glace rapidement à Saint-Louis, s’il réussit quelques bons matchs, s’il frappe fort et marque un peu, le ton de Saint-Louis reviendra. Il reprendra sa posture de jeune vedette en devenir.
Mais si la saison commence lentement, s’il est relégué au troisième duo, s’il commet des erreurs, c’est le ton de Montréal qui va revenir. Celui du jeune homme qui apprend, qui se responsabilise, qui demande qu’on lui donne une chance.
Ce double discours est révélateur, mais aussi risqué. Les coéquipiers le voient. Les entraîneurs le voient. Et les partisans, eux, n’oublient pas.
Il est évident que quelqu’un dans son entourage a géré ce changement de ton. Trop net. Trop rapide. Trop précis.
C’est probablement son agent qui a lu les critiques après la première entrevue et qui lui a dit, en termes simples : « T’as été trop loin. Tu vas te faire haïr avant même d’avoir joué. »
Et il a eu raison.
Mailloux n’a pas encore prouvé qu’il pouvait tenir un top-4 pendant 82 matchs. Il est jeune. Il a encore des failles. Il sort d’une saison à Laval, pas d’une conquête du trophée Norris.
Se comparer à Pietrangelo alors qu’on n’a pas joué un mois complet dans la LNH, c’est osé.
Le plus ironique? C’est Mailloux lui-même qui l’admet dans l’entrevue de RG Média :
« Je suis meilleur loin des caméras. Quand les lumières ne m’éblouissent pas. »
C’est exactement le problème. Quand les projecteurs s’allument, il parle trop. Il en dit trop. Il déborde.
Et maintenant, tout le monde sait qu’il ajuste son message selon l’interlocuteur.
Il ne dit pas la même chose aux journalistes anglophones à Saint-Louis qu’aux journalistes francophones à Montréal.
Il ne se projette pas de la même façon selon le public.
Et ça, pour un jeune joueur, c’est dangereux. Car ça brise la confiance. Et la crédibilité.
Du côté des Blues, on accueille Mailloux avec intérêt. Doug Armstrong et Jim Montgomery croient en son potentiel. Mais ils ne sont pas naïfs.
Ils ont entendu l’entrevue. Ils savent que ce genre de personnalité peut diviser un vestiaire.
Surtout lorsqu’on vient de perdre un joueur adoré comme Zachary Bolduc.
Et ce qui s’est passé avec Mathieu Joseph en dit long. Lui aussi a réagi à la transaction. Il n’a pas critiqué Mailloux, mais il a ouvertement exprimé sa déception de voir Bolduc partir :
« J’ai ben de la misère à croire qu’on s’est débarrassé d’un potentiel comme ça… mais bon, regarde, c’est le business. »
Dans les faits, Joseph résume ce que plusieurs pensent : on a perdu un joueur rassembleur, pour en amener un qui arrive… le torse bombé.
Et à Montréal, on observe. Si Mailloux explose à Saint-Louis, la critique va pleuvoir. S’il devient un défenseur de premier plan, on parlera d’une erreur historique.
Mais s’il brûle ses ponts dans son nouveau vestiaire, le Canadien aura bien fait de le passer.
Le match du 7 décembre entre les Canadiens et les Blues sera important. Très important.
Ce sera la première fois que Mailloux reviendra au Centre Bell. Et on verra quel Mailloux entre sur la glace.
Le prétentieux arrogant qui rejette Evan Bouchard?
Ou le garçon modèle, amateur des Cowboys Fringants?
Logan Mailloux a montré deux visages. L’un brutal, l’autre contrôlé. L’un provocant, l’autre respectueux.
Ce n’est pas anodin. Ce n’est pas un hasard.
C’est une stratégie. Mais une stratégie risquée.
Car dans la LNH, on ne joue pas sur deux tableaux très longtemps.
Et la vérité, c’est que le vestiaire, les médias, les partisans, vont forcer Mailloux à choisir. Rapidement.