Rien ne va plus à gauche de la ligne bleue.
C’est une histoire d’embouteillage, d’une autoroute défensive où personne ne veut céder sa voie.
Et à Montréal, en cet été 2025, la congestion du côté gauche de la défensive est tout simplement insensé.
On peut comprendre les jeunes défenseurs gauchers du CH d'être tannés : on parle d'un véritable casse-tête stratégique, politique et émotionnel.
À première vue, le dossier pourrait sembler banal. Jayden Struble, 23 ans, défenseur fiable, robuste, mobile, vient de déposer une demande d’arbitrage après avoir reçu une offre qualificative jugée insultante par son clan.
Moins de 900 000 dollars? Pour un joueur qui a disputé 56 matchs, connu une progression constante et gagné la confiance de Martin St-Louis? Pour Struble, c’est non. Pour son agent, c’est une déclaration de guerre. Et pourtant, ce n’est que la surface du problème.
L’offre qualificative exacte que le Canadien de Montréal a déposée à Jayden Struble est de 813 750 $ US pour une saison, conformément à son contrat précédent d’entrée.
Ce chiffre est le minimum requis selon la convention collective, étant donné que Struble n’avait pas d’arbitrage salarial en 2024 et qu’il touchait un salaire d’entrée de 832 500 $, auquel on applique les paramètres standards pour une offre qualificative (95 % du salaire précédent s'il est inférieur à 1 M$).
Le problème est qu'Arber Xhekaj touche 1,3 M$ par saison et selon le clan Struble, ce dernier est de loin supérieur au Shérif.
Si l’arbitre tranche en faveur du joueur avec un montant autour de 1,3 M$, le CH pourrait refuser la décision, et Struble deviendrait automatiquement joueur autonome sans compensation.
Cela n'arrivera pas. Kent Hughes sait trop bien qu'il peut transiger Struble sans problème...
Car la réalité est bien plus complexe qu'un simple salaire. Jayden Struble n’est pas seulement en conflit contractuel : il est prisonnier d’une structure congestionnée, d’un flanc gauche défensif trop chargé, trop encombré, trop figé. Et dans les coulisses, tout le monde le sait : Struble espère être échangé.
Ce qu’il voit, lui, ce sont les murs qui se referment.
Mike Matheson est toujours en poste. Le vétéran québécois, même s’il fait l’objet de rumeurs constantes d’échange (notamment avec les Oilers, les Blues et les Kings), reste une pierre angulaire de la brigade selon Jeff Gorton.
Intouchable? Pas vraiment. Mais encore là, il coûte 4,875 M$, et Kent Hughes ne donnera pas un leader du vestiaire à rabais sans obtenir un centre de premier plan en retour.
Ensuite vient Kaiden Guhle, un autre intouchable, un jeune surdoué dont la progression et l’intelligence défensive font l’unanimité. En santé, il est sur le top 4.
Évidemment, on ne nomme pas le prodige Lane Hutson, gagnant du trophée Calder et déjà une supervedette dans la LNH.
Puis Arber Xhekaj. Le shérif. L’homme fort. Le phénomène médiatique et populaire. Mais aussi un joueur polarisant, parfois brouillon, parfois irréprochable, toujours imprévisible... et dans la niche de Martin St-Louis.
Struble, plus sobre, plus structuré, s’est souvent retrouvé devant lui dans l’ordre des priorités de Martin St-Louis. Et c’est là que la tension est née. Car les deux se battent pour le même poste. Les deux ont des profils semblables. Et les deux savent qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde.
Mais voilà que dans l’ombre, un autre nom surgit avec une puissance inattendue : Adam Engström.
Le jeune Suédois, encore inconnu du grand public il y a un an, est désormais vu comme l’un des joyaux du système du CH.
Et ce n’est pas un blogueur obscur ou un recruteur anonyme qui le dit. C’est John Sedgwick lui-même. Le DG du Rocket de Laval. L’homme qui a été nommé directeur des opérations hockey de l’année dans la LAH. Un homme de 65 ans qui n’est pas du genre à lancer des fleurs pour rien.
Dans une entrevue à TSN 690, Sedgwick n’a pas hésité :
« Adam Engstrom est prêt. Il passe sous le radar, mais il va jouer à Montréal cette année. Il a progressé à une vitesse incroyable. Il s’est adapté au jeu nord-américain avec brio. Il est talentueux, stable, mature. »
Et voilà. Le message est lancé.
Adam Engström, 27 points en 66 matchs à Laval, deuxième meilleur pointeur chez les défenseurs derrière Logan Mailloux, est vu comme supérieur, à court, moyen et long terme, à Jayden Struble ET Arber Xhekaj.
Et ce n’est pas qu’une perception interne. Sur le marché, Engström est ultra-demandé. Selon plusieurs sources, son nom est revenu à Saint-Louis dans les discussions entourant Jordan Kyrou.
Les Ducks d’Anaheim l’ont ciblé dans l’échange potentiel de Mason McTavish. Et les Penguins de Pittsburgh, qui rêvent de convaincre Kent Hughes de leur envoyer un package autour de Sidney Crosby après les Olympiques, voudraient qu’Engström en fasse partie.
Sa valeur est astronomique comparée à celle de Struble. Il est plus jeune (21 ans vs 23 ans). Plus complet. Plus discipliné. Moins coûteux. Et, surtout, il a encore un contrat d’entrée.
Tout ça pour dire que Jayden Struble, dans cette dynamique, est perdant. Non pas parce qu’il joue mal. Mais parce qu’il est devenu de trop. Et qu’il le sait.
Il le voit dans les yeux de Martin St-Louis, qui semble l’aimer sincèrement, mais qui sait très bien que l’organisation ne pourra pas garder tout le monde.
Il le voit dans les propos de John Sedgwick, qui encense un jeune prêt à lui ravir son poste. Il le voit dans la hiérarchie salariale, où Arber Xhekaj, pourtant moins utilisé, touche 1,3 M$, et où lui n’a même pas droit à un million. Et il le voit dans les négociations glaciales qui l’amènent aujourd’hui vers l’arbitrage.
Le problème, c’est que l’arbitrage, ce n’est pas neutre. C’est brutal. C’est un exercice où le club tente de rabaisser le joueur pour économiser quelques centaines de milliers de dollars. Et Jayden Struble, comme P.K. Subban à l’époque, risque de sortir de cette procédure amer, blessé, détaché.
Il sait qu’il mérite mieux. Il croit qu’il est plus constant que Xhekaj. Moins spectaculaire, mais plus fiable. Il pense que Martin St-Louis le préfère. Il sait qu’il a gagné la confiance du coach, alors que Xhekaj reste sur un fil.
Mais il sait aussi que la situation ne peut pas durer.
Avec Matheson, Guhle, Xhekaj, Struble et Engström à gauche, plus Lane Hutson qui est au top de la montagne, il y a au moins un, sinon deux joueurs, qui devront quitter.
Et les noms les plus fréquemment évoqués dans les rumeurs ne sont pas Engström ou Hutson. Ce sont Struble et Xhekaj.
Kent Hughes le sait. Jeff Gorton aussi. Et pendant ce temps, les négociations n’avancent pas.
Struble veut 1,5 M$. Au minimum 1,3 M$. Le CH veut éviter de dépasser 1,1 M$. Le clan du joueur commence à filtrer des messages à travers les médias : il espère un échange. Il espère un déblocage ailleurs. Il veut jouer dans la LNH. Pas faire la navette. Pas jouer les bouche-trous.
Et c’est peut-être là que l’été bascule.
Parce que si Struble part, ce sera une déclaration. Une affirmation claire que le Canadien mise sur Engström. Que Mike Matheson est là pour rester ou alors, qu’il part dans une transaction monstre. Que Xhekaj est le projet secondaire. Que Hutson devra patienter.
Et si Struble reste… il faudra couper ailleurs. Il faudra laisser Engström en bas. Ou échanger Xhekaj. Ce qui, politiquement, serait très risqué.
Dans tous les cas, la ligne bleue à gauche est un véritable feu.
Et l’arbitrage de Jayden Struble est l’huile qui pourrait tout faire exploser.