Tension à Montréal: Patrick Roy sans pitié envers Martin St-Louis

Tension à Montréal: Patrick Roy sans pitié envers Martin St-Louis

Par David Garel le 2025-07-10

Patrick Roy place une bombe à retardement sous les pieds de Martin St-Louis.

Ce n’est pas une déclaration de guerre, mais c’est tout comme. Patrick Roy, fidèle à sa manière, n’a rien dit d’explosif.

Et pourtant, il vient de larguer un missile diplomatique à haute portée symbolique sur Martin St-Louis, en glorifiant avec une précision chirurgicale l’homme qu’il considère déjà comme son joueur : Zachary Bolduc.

Patrick Roy n’a pas hésité à exprimer toute son admiration pour Zachary Bolduc, en rappelant les moments forts de leur passage ensemble à Québec.

« C’est un gars talentueux et une personne extraordinaire », a-t-il souligné, avant d’ajouter que les partisans montréalais allaient l’adorer.

Dans les faits, Roy trace un lien direct entre ce que Bolduc a accompli avec les Remparts et ce qu’il est appelé à faire maintenant dans la LNH. Il insiste : Bolduc n’a pas simplement bien fini la saison, il marquait des buts régulièrement, et ça, c’est une preuve suffisante pour croire en son potentiel à Montréal.

Il ne faut pas être expert en sous-titre pour comprendre que Patrick Roy n’est pas du genre à parler pour rien dire. Quand il affirme que Bolduc a tout pour réussir à Montréal, qu’il l’a vu marquer avec régularité, qu’il l’a lui-même « rendu plus physique » et « préparé pour la Ligue nationale », ce n’est pas de l’encouragement gratuit.

« Zack était excessivement réceptif », dit-il. Il voulait passer au prochain niveau, il était prêt à faire les ajustements. Et Roy de préciser qu’il l’a vu évoluer tant au niveau de son implication défensive que de son intensité physique. Le message ici : si Bolduc est prêt, c’est parce qu’il a été préparé.

C’est un avertissement déguisé. Et quand Simon Gagné en rajoute, en disant que Bolduc doit absolument être sur les deux premiers trios et sur la première unité d’avantage numérique, ce n’est pas un souhait. C’est une attente.

Gagné, qui travaillait derrière le banc aux côtés de Roy, est venu renforcer ce discours avec encore plus d’insistance.

Il croit dur comme fer que Bolduc a un potentiel de 30 buts… à condition qu’il soit utilisé comme un marqueur. Il ne parle pas de développement ou de patience : il parle de résultats.

Et pour qu’il produise, dit Gagné, il faut absolument qu’il soit privilégié sur le top 6 et sur le "power play". Il n’y a aucune ambiguïté dans ses propos.

Gagné va encore plus loin en expliquant que Bolduc est un joueur complet. Qu’il soit dans une séquence sans point ou qu’il connaisse des soirées offensivement tranquilles, il saura toujours « amener autre chose » : des mises en échec, de l’énergie, du patin.

L’ancien attaquant sait ce que c’est que de jouer à Montréal, et il affirme que Bolduc a ce qu’il faut. Il le décrit comme un joueur apprécié du public et des médias, accessible, travaillant, bref, le genre de profil que l’on veut dans un marché aussi intense.

Et cette attente-là, elle ne vise pas Bolduc. Elle vise Martin St-Louis.

Dans un marché comme Montréal, être un joueur québécois, c’est déjà un fardeau. Mais être un joueur québécois appuyé publiquement par Patrick Roy, c’est un test de loyauté sociale.

Patrick Roy le sait mieux que quiconque. Il a été traité comme un roi à Québec, mais comme un indésirable pendant des années à Montréal. Ce ressentiment, il l’a nourri. Et aujourd’hui, il le canalise vers son protégé.

Car Zachary Bolduc n’est pas seulement un joueur échangé contre Logan Mailloux. Il est devenu, dans la tête de Roy et de ses partisans, le symbole de la réhabilitation identitaire du hockey québécois.

Il est ce franc-tireur francophone qu’on avait oublié, cette figure mal aimée par les Américains et les Ontariens, que Roy, en bon père spirituel, a poli comme un diamant et envoyé au front.

Et Roy, malin comme il est, sait exactement ce qu’il fait. Il met la pression. Il met la loupe sur Bolduc pour mettre la torche sur Martin St-Louis. Il place le CH dans une situation intenable. Si Bolduc performe, c’est son école qui gagne. Si Bolduc échoue, c’est St-Louis qui perd.

Le problème pour Martin St-Louis, c’est que l’alignement du Canadien ne lui donne aucune marge de manœuvre. Sur la première unité offensive, les noms sont presque coulés dans le béton : Nick Suzuki au centre, flanqué de Cole Caufield et d’Ivan Demidov. Lane Hutson et Noah Dobson à la ligne bleue si Martin St-Louis accepte de jouer à deux défenseurs.

Et n'oubliez pas Patrik Laine qui reste tout un joueur en avantage numérique. Sans oublier Juraj Slafkovsky qui va clairement perdre sa place sur la première unité.

On voit mal Bolduc débarquer et tasser tout le monde.

Comment justifier de lui accorder une place sur la première unité sans court-circuiter les vétérans, sans alimenter les soupçons d’un favoritisme « ethnique québécois »?

Comment lui ouvrir la porte sans renier les priorités établies? Comment faire plaisir à Roy sans saboter son propre projet?

C’est là toute la subtilité du piège tendu par Patrick Roy.

Roy sait lire le vestiaire montréalais

Il le sait, Roy. Il sait que la chambre du CH est déjà pleine à craquer de joueurs offensifs en quête de temps de glace.

Il sait que Patrik Laine veut aussi sa part du gâteau. Il sait que Slafkovsky va faire la baboune. Et il sait que les projecteurs seront braqués sur Bolduc dès le jour 1, non pas à cause de son passé, mais à cause de son nom, sa langue et le fait qu'on a sacrifié le talentueux Logan Mailloux pour lui.

Toujours fidèle à son style, Roy a ajouté une phrase lourde de sens :

« On a tous été un peu surpris de la transaction, mais quand tu veux aller chercher un élément important, tu dois sacrifier un élément important. »

Autrement dit, si le Canadien a osé échanger Logan Mailloux pour obtenir Bolduc, il ne peut pas se permettre de le sous-utiliser. Roy ne le dit pas ouvertement, mais le message est sans pitié : on ne fait pas un tel sacrifice pour ensuite cacher Bolduc sur un troisième trio. Il doit être mis dans une position de succès.

C’est exactement ce qu’il veut. Un contexte tendu. Une pression maximale. Roy n’offre pas Bolduc à Martin St-Louis. Il l’impose.

Et s’il ne performe pas? Eh bien, ce sera la faute de l’environnement, pas du joueur. La faute à Martin, pas à Zach.

« Il a été vraiment solide »

Les mots sont choisis avec soin. Quand Patrick Roy dit que Bolduc « marquait des buts sur une base régulière », il crée une image mentale, une attente. Quand Simon Gagné enchaîne en parlant d’un potentiel de 30 buts et de premier trio, on passe du rêve aux attentes immenses.

Et là, le piège est parfait : si Bolduc est placé sur le 3e ou le 4e trio, ça va chiâler au Québec. Si Bolduc a une séquence sans production, on accusera Martin de mal l’utiliser. Si Bolduc performe, Patrick Roy récolte les fruits de son système, ses valeurs, son approche.

C’est une stratégie digne d’un vieux général. Et c’est exactement ce qu’il est.

Tout ça se joue, bien sûr, dans le contexte d’une transaction que plusieurs, à Montréal, digèrent encore mal. Logan Mailloux, qu’on avait vu comme une future vedette à droite de la ligne bleue, a été sacrifié dans cet échange.

Un joueur controversé, certes, mais un joueur qui avait ses appuis dans l’organisation. Certains le voyaient comme le prochain Evan Bouchard. On a préféré miser sur Bolduc.

Cette transaction, Patrick Roy la connaissait. Il sait que Montréal s’est compromis. Il sait que l’organisation ne peut pas se permettre que Bolduc échoue. Il le dit même :

« Quand tu veux aller chercher un élément important, tu dois sacrifier un élément important. »

Autrement dit : je sais ce que vous avez fait. Vous avez parié. Maintenant, assumez.

Le fait que ce soit Patrick Roy qui le mette de l’avant ajoute une couche symbolique immense. Car Roy n’est pas naïf : il sait que le Québec est prêt à se rallier derrière un jeune francophone qui réussit, mais qu’il est aussi prêt à s’en prendre au coach qui lui ferme la porte.

Et ça, Martin St-Louis l’a compris.

Martin St-Louis est maintenant pris dans un dilemme identitaire. Il ne peut pas dire qu’il ne croit pas en Bolduc. Il ne peut pas dire qu’il préfère d’autres joueurs.

Il ne peut pas gérer ce dossier comme s’il s’agissait d’un simple espoir parmi tant d’autres. Parce que Zachary Bolduc n’est pas un joueur comme les autres.

Il est le joueur de Patrick Roy.

Et si St-Louis se trompe, s’il le maltraite, le rétrograde dans l'alignement, le fait jouer comme un bottom 6 et non comme un top 6, il ne devra pas seulement répondre à la presse. Il devra répondre au peuple. Et à Patrick Roy. Qui, depuis Québec, regarde tout ça… et sourit.

Le message est clair. Patrick Roy ne veut pas la job de Martin St-Louis. Il n’en a pas besoin. Ce qu’il veut, c’est que son influence, son autorité, son style résonnent encore à Montréal. Et il l’a trouvé : à travers Zachary Bolduc.

Chaque présence de Bolduc sur la glace est désormais un test pour Martin St-Louis. Un test de courage, un test de loyauté, un test de leadership. Et chaque présence sera scrutée à la loupe.

Parce que si Bolduc réussit, ce ne sera pas le succès du Canadien. Ce sera la victoire de Roy.

Et si Bolduc échoue, ce ne sera pas la faute du joueur. Ce sera l’échec de Martin.