Transaction Montréal-Colorado: TVA Sports sans pitié

Transaction Montréal-Colorado: TVA Sports sans pitié

Par Marc-André Dubois le 2025-08-03

Décidément, Samuel Girard n'a pas de pause mentale.

Il y a des étés qui changent une vie. D’autres qui la brisent un peu plus. Pour Samuel Girard, l’été 2025 aura été un mélange amer des deux.

Entre fausse euphorie, rumeurs incendiaires et retour des vieux démons, le défenseur québécois de l’Avalanche du Colorado a vécu une tempête médiatique et humaine dont il se serait bien passé.

Tout commence le 7 juin dernier. Une journée banale, paisible, jusqu’à ce qu’une notification propulsée par l’application mobile de TVA Sports fasse exploser le cellulaire de milliers de partisans du Canadien de Montréal :

« Une cible pour le CH. »

En une fraction de seconde, la machine s’excite. Samuel Girard serait dans la mire du Tricolore. Montréal s’enflamme. X, Instagram, BPM Sports, les forums, les groupes Facebook de partisans : tout le monde y va de sa spéculation, de ses montages Photoshop, de ses montées d’adrénaline.

Girard, le petit gars de Roberval, dans l’uniforme bleu-blanc-rouge? L’idée fait rêver… mais ce n’était qu’un rêve.

Pour la famille Girard, cette nouvelle sonne comme un baume au coeur. On le sait, Samuel a vécu des mois infernaux. En novembre 2023, il s’est volontairement retiré du jeu pour affronter ses démons. 

Dépression. Anxiété. Problèmes de dépendance. Le hockey ne comptait plus. La vie, la vraie, avait pris le dessus.

Dans une entrevue déchirante accordée à TVA Sports, Tony Girard, le père de Samuel, avait ouvert son cœur :

« Ce n’est pas le hockey qui est important dans la vie, c’est ce qui se passe là-dedans », dit-il en pointant sa tête.

Le message était clair. Samuel Girard avait sombré. Et il avait eu le courage de tendre la main. La famille entière s’était mobilisée. Son frère Jérémy a même renoncé à l’alcool pour l’aider à tenir bon.

« C’est l’amour entre frères. On a eu peur de le perdre. Mais il s’est battu. »

Alors imaginez, le retour au bercail, à Montréal, dans un contexte familial et culturel protecteur… Pour les Girard, cette rumeur n’était pas un simple clin d’œil sportif. C’était un symbole. Une chance de renaissance.

Mais voilà : c’était faux.

L’alerte a été envoyée comme on jette une allumette sur une flaque d’essence. Le titre n’était pas mensonger, techniquement. 

Mais la formulation a volontairement créé une illusion. Et dans le contexte émotionnel de la réhabilitation de Samuel Girard, c’est presque cruel.

TVA Sports a surfé sur la fibre identitaire québécoise sans aucune pitié. Sur l’attachement viscéral à ces joueurs « d’ici » qu’on veut tant voir briller au Centre Bell.

Sauf que le hockey, ce n’est pas une œuvre de charité. Et Samuel Girard, aussi valeureux soit-il, n’a tout simplement pas sa place à Montréal.

Pourquoi Montréal ne veut pas de Girard? 

C’est brutal, mais tellement nécessaire à expliquer. Samuel Girard est un défenseur gaucher, format réduit (5’10, 170 lb), qui coûte 5 millions de dollars par saison, encore pour deux ans.

Et ce, dans une formation qui déborde déjà de gauchers : Lane Hutson, Mike Matheson, Kaiden Guhle, Arber Xhekaj, Adam Engström, Jayden Struble… Il faudrait être aveugle pour croire que Kent Hughes a besoin de Girard.

En plus, son profil est redondant : petit, mobile, offensif, mais fragile physiquement. Et surtout, moins bon que Lane Hutson.

On ne peut pas ralentir le développement du prodige américain pour faire plaisir à une émotion collective ou à une notification bien tournée.

Même Mike Matheson, qui lui aussi est québécois, est supérieur à Girard sur pratiquement tous les plans : vision, constance, leadership, et maintenant… coût-bénéfice.

Si Kent Hughes décidait d’échanger Matheson pour faire de la place à Girard, ce serait ni plus ni moins qu’un acte de sabotage stratégique.

En réalité, si Samuel Girard est de retour dans les rumeurs, ce n’est pas à cause de Montréal. C’est à cause du chaos salarial dans lequel se trouve l’Avalanche.

Avec la signature de Brock Nelson (7,5 M$ par année pour trois ans), le Colorado a le couteau sous la gorge au niveau de sa masse salariale. (seulement 3,34 M$)

Quelque chose doit bouger. Et le joueur le plus logique à échanger, c’est Girard.

Pourquoi?

Son contrat est « échangeable » : pas trop long, pas trop cher. (encore deux saisons à 5 M$)

Il n’a plus le même rôle dans l’équipe

Sa production (24 points en 73 matchs) ne justifie plus son impact salarial.

Malheureusement, les rumeurs deviennent réalité. Les médias du Colorado, cette fois, sont unanimes : l’Avalanche veut se départir de Samuel Girard.

Ce n’est plus une spéculation québécoise. C’est un mouvement stratégique clair. Et plusieurs équipes seraient intéressées, mais pas Montréal.

Girard a une clause partielle de non-échange : il peut bloquer neuf destinations. Cela complique un peu les choses.

Mais les dirigeants de Denver ne font plus semblant. Girard est sur le marché. Il doit partir. L’émotion, cette fois, ne sauvera personne.

Un été de chaos, de confusion… et de solitude...

Revenons sur le parcours de Samuel depuis le début de l’été :

7 juin : TVA Sports balance une alerte qui fait rêver, mais n’a aucune base concrète.

8 au 15 juin : le camp Girard espère, s’interroge, espère encore.

Fin juin : silence total du côté du CH. Pas d’intérêt, pas de discussions. La réalité frappe.

Juillet : le marché s’active. Le nom de Girard est mentionné à Chicago, Détroit, Anaheim… mais jamais à Montréal.

Début août : les médias du Colorado confirment que l’Avalanche magasine activement le défenseur québécois.

Pendant ce temps, Girard attend. Il patiente. Il s’entraîne. Il garde le cap. Sobre, lucide, mais meurtri. Il ne l’avouera peut-être jamais publiquement, mais l’alerte de TVA Sports l’a blessé autant qu’elle a enthousiasmé sa famille.

Quand on a vécu une descente aux enfers, comme lui, on ne joue pas avec la corde sensible de l’appartenance et du retour aux sources. Le rêve d’un retour à la maison n’est pas une carte à jouer pour générer du trafic web.

Montréal n’est pas la solution.

Et soyons honnêtes jusqu’au bout : le Canadien de Montréal n’a pas à sauver Samuel Girard. Ce n’est pas son rôle. Ce n’est pas son mandat. Et ce n’est pas ce dont l’équipe a besoin.

Le CH est en transition, en recherche d’équilibre, d’"assets" clés: un centre top-6, un ailier productif. Pas un gaucher en surplus.

Girard mérite mieux qu’un retour au Québec par défaut.

Il mérite une équipe qui a vraiment besoin de lui.

Pas une franchise qui croule déjà sous les gauchers. Surtout que Lane Hutson le prodige est déjà notre "petit défenseur".

Et maintenant?

L’avenir de Samuel Girard est incertain. Mais son présent, lui, est clair : il n’a pas sa place à Montréal, peu importe les notifications.

Il doit se rerouver une équipe où il pourra jouer à gauche, sur une troisième paire, dans un système qui valorise les défenseurs mobiles sans les surexposer. 

Parce qu’au fond, ce n’est pas le talent de Girard qui est en jeu.

C’est sa paix intérieure. Sa stabilité. Sa survie.

Et ça, aucun algorithme d’application mobile ne pourra jamais le comprendre.

Samuel Girard n’a pas besoin d’un mirage. Il a besoin d’une vraie équipe. D’un vrai plan.

Et Montréal, malgré toute l’émotion du 7 juin, ne peut lui offrir ni l’un, ni l’autre.